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"Eté sanglant" à Marseille: un spécialiste explique les raisons de cette "explosion" des règlements de comptes liés au trafic de drogue

La ville de Marseille est en proie à la violence. Les règlements de compte liés au trafic de drogue se multiplient. Rien que ce weekend, trois hommes ont été tués. La procureure de la ville déplore "une explosion du nombre d’affaires" cet été. Le président Emmanuel Macron compte se rendre sur place. Pour comprendre cette situation, un journaliste français nous livre son éclairage.

La procureure de Marseille Dominique Laurens a déploré hier une "explosion" du nombre de règlements de comptes liés au trafic de drogues dans la ville cet été, après un week-end marqué par la mort de trois hommes. "Il y a eu une accélération à partir du 15 juin, on note une explosion du nombre d'affaires en l'espace de deux mois", a déclaré la magistrate au cours d'une conférence de presse.

Selon le patron de la police judiciaire Eric Arella, ces règlements de comptes ont fait 15 morts depuis le début de l'année. "Sur les 15, 12 ont eu lieu dans les deux derniers mois" cette année, a précisé Dominique Laurens.

Ce week-end, quatre jours après la mort d'un adolescent de 14 ans près d'un point de vente de drogue, trois hommes ont été tués. Dans la nuit de samedi dimanche, vers minuit, deux hommes de 25 et 26 ans ont été abattus dans une cité du 14e arrondissement, une des plus pauvres de Marseille. Puis, dans le 4e arrondissement, dans le centre, un homme a été emmené de force dans un véhicule, avant qu'un corps ne soit découvert dans le coffre de la voiture en feu, peu de temps après.

"Marseille connaît un été sanglant puisqu’on en est à 12 règlements de compte depuis la mi-juin. C’est une situation qui est très particulière. Elle est due à des luttes de territoires entre différentes bandes criminelles pour le contrôle du trafic de stupéfiants qui a à Marseille représente un chiffre d’affaires de 10 à 15 millions d’euros mensuel", explique Xavier Monnier, journaliste et auteur du livre "Les nouveaux parrains de Marseille".

Ces vagues arrivent quand plusieurs ingrédients sont combinés

Selon ce spécialiste, cela fait plus de 10 ans, voire 15 ans, que la ville subit ponctuellement des vagues de règlements de compte. "Ces vagues arrivent quand plusieurs ingrédients sont combinés. Tout d’abord des équipes criminelles qui sont touchées soit par des condamnations en justice, soit par des arrestations. Et donc, ils sont sortis de cette économie ultra capitaliste et ultra violente. Et pour prendre leurs places, d’autres bandes criminelles font tout simplement des démonstrations de force, essayent d’éliminer les rivaux pour prendre les points de deal et le contrôle d’une certaine part du marché et du contrôle du trafic de stupéfiants. C’est ce qui est en train de se passer à Marseille actuellement", indique le journaliste.

D’après lui, il existe 150 points de deal à Marseille. Toutes les cités et les quartiers populaires ont au moins un point de distribution et de vente de stupéfiants. "Ces endroits sont répartis, contrairement à ce que l’on dit souvent, ils ne sont pas seulement dans le nord de la ville, mais il y en a aussi dans le sud et l’est de la ville", précise Xavier Monnier.

Les bandes criminelles n’hésitent pas à tirer à l’aveuglette parfois

Sans surprise, cela engendre beaucoup de violences. "Cela crée énormément de tensions, de business et la manne est telle que les bandes criminelles n’hésitent pas à tirer à l’aveuglette parfois. C’est ce qu’on a vu récemment encore quand on tire en direction du point de deal et que l’on touche des victimes collatérales, des gens qui n’ont rien à voir avec le trafic de stupéfiants, comme ce gamin de 14 ans, comme cet enfant qui est décédé et cet enfant de 8 ans qui a été blessé. C’est quelque chose qu’on avait déjà connu à Marseille par exemple en 2010 quand un adolescent de 15 ans a été assassiné et un gamin de 11 ans avait pris des balles de kalachnikov dans le corps", rappelle l’auteur.

Il rappelle que ces criminels et les organisations mafieuses en général n’ont aucun respect pour la vie humaine. "Tout ce qui leur importe c’est de gagner de l’argent, quelque soit les moyens employés."

Les guetteurs, ceux qui préviennent si des policiers, des clients ou des rivaux arrivent, sont 95% mineurs

Xavier Monnier explique également comment fonctionne ces points de deal dans la deuxième ville de France. "Ces groupes qui contrôlent le trafic de stupéfiants sont très organisés, très hiérarchisés et très structurés. Car quand vous arrivez à un point de deal dans une cité ou un quartier populaire à Marseille, vous le voyez très bien. Il y a le premier rang, ce sont les guetteurs, ceux qui préviennent si des policiers, des clients ou des rivaux arrivent. Ils sont 95% mineurs", assure Xavier Monnier.

"Après ces guetteurs vous guident vers le point de deal où on trouve le charbonneur qui est un peu plus âgé, la plupart du temps, ce sont des adolescents à partir de 16 ans jusque 25 ans. Ces charbonneurs dépendent d’un gérant du point de deal qui s’occupe de la logistique sur place, notamment en cachant la drogue chez les nourrices, en l’acheminant, en distribuant les parts et en organisant les vacations", ajoute-t-il.

Marseille a des barons de la drogue qui sont installés à l’étranger pour leur protection

"Et en dernier ressort, après ce gérant, il y a le donneur d’ordre qui est parti à l’étranger pour ne pas voir et se soustraire aux actions de la police et de la justice ainsi que pour être moins touché par les règlements de compte et les guerres de clans. Il y en a beaucoup qui sont à Dubaï et qui sont des Marseillais. Ce n’est donc pas la main de l’étranger sur Marseille, c’est Marseille qui a des barons de la drogue qui sont installés à l’étranger pour leur protection", assure Xavier Monnier.

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