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Hong Kong, une rare défaite pour Xi Jinping

Les manifestations de Hong Kong et la reculade des autorités locales constituent une rare défaite pour le président chinois Xi Jinping, qui pourrait choisir de renforcer à terme l'emprise de son régime sur l'ancienne colonie britannique.

Trente ans tout juste après la sanglante répression de Tiananmen à Pékin, l'homme fort de Pékin a choisi "un retrait tactique" face à la contestation à Hong Kong, qui continue à jouir d'un statut spécial au sein du pays, analyse Jean-Pierre Cabestan, de l'Université baptiste de Hong Kong.

Les dirigeants communistes "ont eu peur", suppose le sinologue. "Ils sont inquiets des retombées éventuelles en Chine" continentale, ce qui "en dit long sur la paranoïa au sein du parti, sur son sens de la sécurité".

Témoin de cette inquiétude, Pékin a jeté le voile sur les défilés qui ont rassemblé des centaines de milliers de personnes deux dimanches de suite dans le territoire semi-autonome.

Lundi, les médias officiels faisaient discrètement état de la suspension du projet de loi d'extradition vers la Chine, qui a mis le feu aux poudres, mais se gardaient bien d'évoquer la manifestation géante de la veille.

Malgré tout, "les intellectuels et les habitants des grandes villes savent ce qui se passe" dans la métropole du sud, affirme le politologue Willy Lam, de l'Université chinoise de Hong Kong.

Selon lui, la reculade des autorités hongkongaises pourrait "encourager" les défenseurs de la démocratie sur le continent, même s'il reste "très difficile" d'y organiser un quelconque mouvement de contestation.

- 'Supernationaliste' -

Les défilés hongkongais apparaissent comme une réaction au tournant autoritaire imposé par M. Xi depuis son arrivée au pouvoir fin 2012, observe Bill Bishop, éditeur de la lettre d'information Sinocism.

"Le Parti avec M. Xi à sa tête projette une image plus inquiétante", relève-t-il. Les manifestations constituent "un rejet massif de l'idée selon laquelle Hong Kong sera à terme entièrement absorbé par la Chine".

Pékin a dès la semaine dernière commencé à se distancer du projet de loi, expliquant qu'il s'agissait d'une initiative de la chef de l'exécutif hongkongais, Carrie Lam.

Mais personne ne peut croire que Mme Lam aurait pris une telle décision sans l'aval de Pékin, assure Victoria Hui, politologue à l'Université Notre Dame aux Etats-Unis. Le retrait du projet constitue bien selon elle "une défaite pour Xi Jinping".

"Xi Jinping tente de projeter l'image d'un supernationaliste", rappelle Willy Lam. L'affaire hongkongaise entame cette image, selon lui: "le dirigeant de 1,4 milliard de Chinois est incapable de contrôler un territoire de 7 millions d'habitants".

Au pouvoir depuis fin 2012, M. Xi a considérablement renforcé l'emprise du Parti communiste chinois (PCC) sur la société et engagé une campagne anti-corruption qui viserait aussi ses adversaires politiques internes.

Il a obtenu en 2017 de pouvoir se maintenir à la tête du pays aussi longtemps qu'il le souhaite, tandis que sa "pensée" est entrée très officiellement dans la Constitution l'an dernier, à l'égale de celle du fondateur de la dynastie communiste, Mao Tsé-toung.

Mais M. Xi fait face depuis environ un an à une opposition interne alimentée par la guerre commerciale avec les Etats-Unis et le ralentissement économique, selon M. Cabestan.

Indice des tensions à la tête du régime: le Comité central, le "Parlement" du PCC, n'a pas été réuni depuis 15 mois.

- Une carte pour Trump -

Le camouflet infligé par les foules hongkongaises survient alors que le président chinois va croiser à la fin du mois son homologue américain lors d'un G20 au Japon.

Pékin n'a toujours pas confirmé d'entretien bilatéral avec Donald Trump pour tenter d'apaiser la guerre commerciale entre les deux pays.

Mais Washington a commencé à utiliser la carte hongkongaise en menaçant de supprimer les avantages commerciaux de l'ancienne colonie britannique si le projet de loi d'extradition devait être adopté.

En pleine guerre commerciale, le coup "serait très dur pour l'économie de Hong Kong", avertit Bill Bishop.

Au terme de l'accord signé avec Londres avant la rétrocession du territoire à la Chine en 1997, Hong Kong doit jouir d'un statut spécial jusqu'en 2047.

Mais Pékin pourrait choisir de serrer encore un peu plus la vis sur les libertés hongkongaises, quoique "de façon pas trop voyante", pronostique M. Bishop.

Après la rebuffade des Hongkongais, Xi Jinping "a besoin d'apparaître très ferme. Il ne cédera pas facilement", prévient à Pékin le politologue indépendant Hua Po, notant que le projet d'extraditions a été suspendu sine die, pas totalement aboli.

Le dirigeant chinois "attendra que la colère des Hongkongais retombe progressivement, puis il sanctionnera un petit nombre de radicaux", prévoit-il.

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