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Chaque printemps, dans l'Himalaya, des milliers de villageois du Népal, du Tibet ou du Bhoutan se ruent pour ramasser un champignon réputé aphrodisiaque poussant à l'intérieur d'une chenille, et qui se vend plus cher que l'or dans les herboristeries chinoises. Ces chercheurs de yarchagumba --"plante estivale, insecte hivernal" en tibétain-- avaient déjà conscience que la surexploitation et la concurrence féroce menaçaient le champignon. En 2009 et en 2016, la récolte avait conduit à des affrontements mortels au Népal. Mais une étude publiée lundi dans les Compte-rendus de l'académie américaine des sciences (PNAS) suggère que le changement climatique contribue probablement aussi à la raréfaction du champignon. "Non seulement la surexploitation est probablement responsable de la baisse, mais le changement climatique, notamment les changements du climat hivernal, jouent également un rôle", dit à l'AFP Kelly Hopping, coauteure de l'étude et chercheuse en sciences de la Terre à l'université de Stanford. "Cela veut dire que même si les gens commencent à réduire leurs récoltes, la production continuera sûrement à baisser à cause du changement climatique", prévient-elle.
Les chercheurs ont interrogé une quarantaine de cueilleurs de yarchagumba au Tibet et dans le Sichuan en Chine, et exploité des entretiens réalisés dans d'autres études auprès d'environ 800 personnes de la région, afin de comprendre les raisons du déclin, en l'absence de données de production fiables. A ces entretiens, ils ont marié des analyses météorologiques, géographiques et environnementales pour établir une carte approximative de la production des champignons, et estimer l'évolution depuis des décennies. Il en ressort que l'habitat naturel du champignon, qui aime les régions froides et élevées mais sans trop de neige, se réduit au fur et à mesure que l'Himalaya se réchauffe. Ce réchauffement hivernal est indéniable: au Bhoutan, il est estimé entre +3,5 et +4 degrés pour la température médiane entre 1979 et 2013.
Depuis les années 1980, sur le plateau tibétain, le nombre de jours où le sol reste gelé a baissé chaque année. Le "Viagra de l'Himalaya" est convoité en Asie, où les herboristes affirment qu'il stimule les performances sexuelles (et aide pour le cancer et d'autres maladies), en tant qu'excellent équilibre entre yin et yang, puisqu'il est à la fois animal et non-animal. Il est ingéré en thé ou dans des soupes. Les auteurs de l'étude mentionnent un prix de 140.000 dollars par kilogramme pour les champignons de meilleure qualité en mai 2017, selon une pharmacie chinoise (un kilo d'or coûte aujourd'hui environ 40.000 dollars).