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"J'ouvre les yeux et je me dis 'le canon à confettis a explosé' ": Suzie, 18 ans, a connu l'horreur au Bataclan

Trois "kamikazes" autour du Stade de France, un carnage sur plusieurs terrasses parisiennes et le pire reste à venir. Alors qu'un des tireurs vient de se faire exploser au Comptoir Voltaire, s'ouvre au Bataclan le dernier front des attentats du 13 novembre 2015.

Il est 21H47 lorsqu'un trio de jihadistes débarque d'une Polo noire qui s'est garée devant la salle de spectacle. L'un d'eux envoie un SMS: "on est parti, on commence". Pour les 1.500 spectateurs venus assister au concert des Eagles of Death Metal, c'est le début de trois heures d'enfer et d'un massacre qui fait 90 morts.

Sur place, se trouve Suzie, 18 ans à l'époque. La jeune femme avait offert la place à son petit ami, fan du groupe de rock californien. Elle décrit un concert avec une bonne ambiance "avant que tout dérape".

Dehors, l'horreur a déjà commencé. Sitôt sortis de leur voiture, Foued Mohamed Aggad, Samy Amimour et Ismaïl Omar Mostefaï ouvrent le feu: leurs premières victimes tombent sur le trottoir. Puis ils s'engouffrent dans la salle pleine à craquer.

L'odeur du sang et de la poudre

Il y a des groupes d'amis, des couples, des fratries, des amateurs de "métal" venus seuls. Les Eagles of Death Metal jouent "Kiss the devil", "Embrasse le diable". La musique s'arrête. Le régisseur rallume la lumière. Des hurlements s'élèvent de la foule. Certains ont cru à un jeu de scène mais le doute n'est plus possible. 

L'odeur du sang et de la poudre envahit la salle. Des centaines de personnes restent piégées. Les tirs continuent, dans la salle comme dans le passage Amelot qui longe le Bataclan. Foued Mohamed Aggad et Ismaël Omar Mostefaï montent à l'étage et, du balcon, arrosent la salle. Certains des spectateurs font les morts au milieu des cadavres.

Suzie est dans la fosse avec son petit ami. Elle ouvre les yeux par intermittence. "Je vois des trucs vraiment atroces. Les personnes à côté de moi s'étaient fait tirer dans la tête". Il y a un mouvement de foule. "On a couru vers la scène et on est retombés. On s'est retrouvé dans cet agglomérat, un tas d'humains".

Se rendre compte qu'il n'y a "jamais eu de confettis"

Juste avant 22h, un commissaire de la brigade anticriminalité (BAC) et son chauffeur arrivent sur place. Ils entrent et repèrent Samy Amimour sur scène avec une kalachnikov. Sans hésiter, ils tirent et abattent le jihadiste, dont la ceinture explose. Ils ont sans doute sauvé des dizaines de vies. Mais les deux policiers doivent se replier sous les tirs nourris des deux tueurs restés à l'étage.

Suzie était toute proche du kamikaze. Elle décrit "un bruit très fort". "J'ouvre les yeux et je me dis 'le canon à confettis a explosé'. Ça a été très violent de se rendre compte, des jours après, qu'il n'y avait jamais eu de confettis mais que j'avais vu quelqu'un se faire exploser".

L'horreur, rythmée par les tirs, continue. "Avec mon copain, on ne faisait que se dire qu'on s'aimait. Au point qu'un type nous a dit: 'fermez-la, vous faites trop de bruit'. Je ressentais cette urgence de dire que j'aimais", justifie Suzie.

Elle se souvient des téléphones qui sonnaient. "On sait que des gens sont morts parce qu'ils n'ont pas mis leur téléphone sur silencieux. C'est horrible de se dire que la vie tient à quelque chose d'aussi trivial". "Des gens sont partis dans la terreur absolue".

C'est vraiment un spectacle effroyable

Un commissaire de la BAC a raconté son intervention devant une commission d'enquête parlementaire en 2016. Dans la salle, la vision "indescriptible" de "centaines de corps (...) enchevêtrés les uns aux autres". "Personne ne bougeait (...) il régnait un silence glacial (...) On sentait bien que même les vivants faisaient semblant d'être morts", avait indiqué le policier. "Au bout d'un moment, il n'y a plus eu de mouvements ni de tirs. J'ai décidé d'aller chercher les victimes qui étaient dans la fosse, à quelques mètres de nous".

Quand ils ont fouillé la salle, les enquêteurs ont découvert un dictaphone à l'étage qui a enregistré toute la soirée. La bande-son a capté l'horreur et permis d'objectiver l'attaque. La première phase a duré 32 minutes, il y a eu 258 coups de feu.

Foued Mohamed Aggad et Ismaïl Omar Mostefaï cessent leur tirs, se retranchent dans un couloir à l'étage avec douze personnes. A 22H20, la prise d'otage commence. Suzie finit par être évacuée de la fosse. "Je ne fais que regarder les personnes décédées. C'est vraiment un spectacle effroyable. On savait ce qui se passait (...) mais d'un coup, c'était devant nos yeux". Elle sombre dans "une crise incontrôlée de larmes".

Les forces de l'ordre lui ordonnent de lever les mains. "C'est ce moment très bizarre où on est victime mais où il y a une forme de suspicion car un terroriste peut se cacher parmi nous".

Presque six ans plus tard, Suzie continue de s'interroger: pourquoi en est-elle sortie vivante? "Les personnes qui étaient juste à côté de nous, elles sont mortes, elles étaient juste 50 centimètres plus à gauche (...) Le pur hasard, on a vraiment beaucoup de mal à le supporter".

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