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La romancière italienne Milena Agus a "peur" pour son pays

"Nous avons eu peur pour les Français au moment de la présidentielle avec la percée de Marine Le Pen, maintenant nous avons peur de ce qui pourrait se passer chez nous". La grande romancière italienne, Milena Agus est "bouleversée" par le résultats des élections dans son pays.

"Toute la campagne électorale en Italie s'est focalisée sur la question de l'accueil des migrants", regrette l'écrivaine rencontrée à Paris par l'AFP à l'occasion de la publication de son septième roman, "Terres promises", publié, comme les précédents, chez Liana Levi.

"Pour rassurer une population terriblement préoccupée et angoissée, qui voit nécessairement l'étranger comme un ennemi, la majorité des partis politiques ont choisi de faire de l'étranger le bouc-émissaire", déplore la romancière sarde.

"Cette grande peur des étrangers vient d'abord du refus de les connaître. Quand tu les connais, que tu deviens ami avec certains d'entre eux (comme son héroïne Felicita dans le roman), cette peur s'évanouit".

De gauche, déçue par le Parti démocrate (PD, centre gauche) qui "a perdu d'une façon magistrale pour avoir oublié les besoins des plus modestes et mené une politique en faveur des riches, erreur fatale pour un parti de gauche", Milena Agus souhaite que le président de la République Sergio Mattarella propose au chef du Mouvement 5 étoiles (M5S), Luigi Di Maio de former un gouvernement avec l'appui du Parti démocrate.

"Sinon, met-elle en garde, ce sera la droite extrême qui gouvernera".

La coalition de droite, dominée par la Lega d'extrême droite, a remporté 37 % des voix et le M5S (antisystème) est devenu le premier parti du pays avec 32,7 % des voix. Le PD, lointain héritier du Parti communiste italien, n'a recueilli que 18,7 % des voix.

Le M5S qui a fait carton plein dans le Sud de l'Italie, notamment en Sardaigne, "a réussi a récupérer les attentes et les peurs des laissés-pour-compte", juge la romancière qui, à travers son œuvre, donne de la dignité à ces gens fragiles et invisibles.

- 'Fais-le comme Felicita' -

Avec ses amours contrariés, la maladie et la mort qui rôdent, "Terres promises" n'est pas un "feel good book" (ces romans légers sensés apporter du réconfort). Pourtant ce court roman de 176 pages dégage une lumière et une chaleur incandescentes.

Il nous fait suivre une famille sarde durant trois générations. Si on retrouve dans le récit beaucoup d'éléments autobiographiques (Felicita le personnage principal naît à Gênes comme Milena, son fils Gregorio deviendra pianiste de jazz à New York comme Alberto, le fils de Milena...), il serait dommage de le réduire à cela.

Son héroïne Felicita (bonheur en français), la bien nommée, "est comme un idéal d'un monde nouveau ou plutôt d'un monde possible", explique Milena Agus.

"Je voudrais être Felicita mais je ne le suis pas. Je n'en ai pas la capacité. Malheureusement Felicita n'est pas Milena Agus", dit en souriant la romancière.

Felicita est un de ses personnages magnifiques comme seule la littérature peut nous en offrir. A la fois indépendante et pleine d'empathie. Incorrigible optimiste et malmenée par la vie.

"Je suis moins gentille, moins courageuse, plus fragile que Felicita", regrette la romancière qui avoue être -comme sans doute ses lecteurs- tombée sous le charme de son personnage.

"Felicita m'a aidé comme s'il s'agissait d'une vraie personne. Plusieurs fois devant telle ou telle situation, je me suis dit: +fais-le comme le ferait Felicita+".

Dans le roman, Raffaele, le père de Felicita, affirme: "les gentils ont toujours beaucoup de chance". "Ce n'est pas toujours le cas", admet Milena Agus mais, ajoute-t-elle, "on vit sans doute mieux avec de la bonté".

"La morale est que les gentils ne sont ni stupides ni idiots. Vivre égoïstement sans penser à autrui n'est pas une solution".

Au lieu de poursuivre les chimères des terres promises, il faudrait plutôt apprendre "à se montrer bienveillants et ouverts".

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