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Couples brisés, amitiés déchirées: une pièce de théâtre explore à Londres les passions négatives déchainées par le vote pour le Brexit, qui a coupé le pays en deux.
"People like us" (Des gens comme nous), une tragi-comédie écrite par la journaliste à la plume acérée Julie Burchill et la romancière Jane Robins, s'interroge sur la possibilité de garder des relations amicales quand on a des vues totalement opposées.
Les deux auteures, favorables à la sortie de l'Union européenne, se sont rencontrées par l'intermédiaire d'un ami et se sont rapidement trouvé un point commun: la détestation du regard accusateur porté par ceux qui ont voté contre le Brexit, en particulier les milieux artistiques londoniens, sur les gens comme elles. D'où "People like us".
"C'est ce qu'ils appellent la projection. Tout ce dont ils nous accusent, c'est ce qu'ils sont: une petite clique monoculturelle", s'emporte Julie Burchill, 59 ans. "Ils nous traitent de réactionnaires mais refusent de nous écouter", dit-elle à l'AFP.
Jane Robins, 60 ans, a été invitée à six fêtes de Noël en 2016, six mois après le vote du Brexit, et a préféré éviter de s'y rendre : "je savais qu'ils feraient tous grise mine. Je les voyais déjà en train de ruminer et de me regarder comme si j'étais fautive", explique-t-elle à l'AFP
"People like us" évoque l'amitié entre cinq Londoniens qui se réunissent chaque mois pour discuter livres, dans la période entourant le référendum de juin 2016.
- Tristesse ou révolution -
Il y a Ralph, pontifiant et propriétaire d'une maison à Florence, en Italie, Clémence, sa petite amie française bien-pensante, Will l'indécis et éternel optimiste, la pragmatique Stacey et Frances, à la descente facile et aux jugements à l'emporte-pièce. Un groupe au sein duquel on trouve des sous-groupes: Ralph, Stacey et Will se sont rencontrés sur les bancs de l'université d'Oxford; Ralph, Clemence et Will veulent rester dans l'UE, Stacey et Frances veulent en sortir, au prix pour la seconde d'une rupture avec sa petite-amie pro-UE.
Leur mini cercle littéraire se tient dans l'appartement de Ralph, à Islington, quartier bobo par excellence. La tension est palpable mais reste d'abord cantonnée à quelques piques acerbes. Avant d'éclater au grand jour et que les émotions ne débordent.
Au lendemain du référendum, Ralph plonge dans une immense tristesse quand Stacey se réjouit de "vivre une révolution" qui lui permet de "ressentir enfin quelque chose". Les prises de bec dégénèrent en querelles et entraînent la dissolution du groupe d'amis, chaque camp se montrant incapable de supporter l'attitude de l'autre.
Si le Brexit constitue la trame principale, la pièce s'intéresse plus largement aux limites des amitiés modernes dans un monde où les réseaux sociaux encouragent les prises de position tranchées.
"C'est proche du lynchage", dénonce Jane Robins. "Parce qu'on a voté pour le Brexit, ils nous considèrent comme le diable", ajoute-t-elle, parlant d'un "syndrome du Brexit". "Qu'est-il donc arrivé à notre société pour nous empêcher d'être amis avec des gens à cause de ce vote? C'est bizarre".
La pièce, qui se joue jusqu'au 20 octobre dans le petit Union Theatre, affiche tous les soirs complet, au grand étonnement de ses auteures. Etant donné l'ambiance pro-UE de Londres, elles ne s'attendaient même pas à être programmées par un théâtre, se préparant plutôt à devoir se rabattre sur l'arrière-salle d'un pub.
Forte de leur succès, elles espèrent désormais poursuivre l'aventure dans un espace plus grand et se rendre aussi au coeur des territoires qui ont voté Brexit.
"Nous voulons emmener la pièce aux gens qui ont peur d'aller au théâtre à cause de ceux qui les regardent de haut pour leur vote", dit Julie Burchill.