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Heurtée de plein fouet par l'épidémie de Covid-19, l'économie française s'est effondrée au premier trimestre, devenant la première grande économie à tomber dans une récession qui promet d'être inédite depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Selon une estimation publiée mercredi par la Banque de France, le PIB a chuté d'environ 6% sur les trois premiers mois de l'année, soit la pire performance trimestrielle de l'économie française depuis 1945.
Le PIB s'étant déjà replié de 0,1% au quatrième trimestre, selon l'Insee, la France est donc techniquement en récession.
C'est le premier pays du G7 à officialiser cette entrée en récession, mais l'Italie et le Japon devraient suivre après être déjà tombés dans le rouge au dernier trimestre 2019.
Avec une économie qui a stagné fin 2019, l'Allemagne devrait y échapper de justesse dans l'immédiat, même si une contraction de son économie de 9,8% est attendue ce trimestre, selon des prévisions de ses principaux instituts économiques.
Il y a peine un mois pourtant, la Banque de France tablait encore sur une petite croissance de 0,1% pour le trimestre écoulé, mais c'était avant que l'épidémie de Covid-19 ne se propage massivement sur le territoire et que le confinement ne soit imposé le 17 mars.
Sur le seul mois de mars, l'activité a reculé de 17%, se révélant sur les quinze derniers jours inférieure d'environ un tiers (-32%) à la normale, selon la banque centrale française.
-"Effet de sidération"-
Depuis 1945, seul le deuxième trimestre de 1968, avec les événements du mois de mai, avait connu un effondrement "du même ordre de grandeur", note-t-elle. Le PIB avait alors chuté de 5,3%.
Patrick Martin, président délégué du Medef, a évoqué sur RFI "un effet de sidération". Selon lui, l'exécutif n'a pas "suffisamment souligné que, y compris au service de la sécurité sanitaire, il fallait maintenir une activité économique".
Sans s'avancer sur une prévision annuelle, la Banque de France considère que chaque quinzaine de confinement entraînera une perte de PIB de 1,5% sur un an.
Fin mars, l'Insee évoquait aussi une perte de 6 points de PIB cette année si le confinement durait deux mois. Un scénario de moins en moins improbable, puisque l'exécutif envisage de le prolonger au-delà du 15 avril.
Le mois d'avril sera "au moins aussi mauvais que la dernière quinzaine de mars", a déjà prévenu le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau sur RTL. "La croissance sera fortement négative en 2020", avant un "rebond" en 2021.
Lundi, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait déjà prévenu s'attendre à une contraction de l'économie "très au-delà" des -2,9% enregistrés en 2009 après la crise financière de 2008, la plus mauvaise performance de l'économie française depuis 1945.
Le gouvernement présentera "dans les prochains jours" un nouveau projet de budget rectifié, afin notamment de revoir la prévision actuellement retenue d'une récession de 1% cette année, devenue largement obsolète, a-t-il indiqué mercredi à la sortie du conseil des ministres.
M. Le Maire a comparé à plusieurs reprises "le choc" à la grande dépression ayant suivi le crash boursier de 1929, insistant sur l'enjeu: "éviter le naufrage".
- "Pas le moment de compter" -
Certains secteurs n'en sont déjà plus très loin, comme le transport aérien ou le tourisme, affectés dès la propagation de l'épidémie en Asie.
Selon la Banque de France, les pertes d'activité les plus fortes concernent en mars la construction, le commerce, les transports, l'hébergement et la restauration. L'industrie résiste à peine mieux avec des usines qui ont tourné à un peu plus de la moitié de leur capacité.
De quoi justifier les centaines de milliards d'euros que le gouvernement est prêt à mobiliser pour soutenir les entreprises et les salaires. "Nous les maintiendrons le temps que durera cette crise sanitaire et économique", a assuré M. Le Maire.
"Aujourd'hui, ce n'est pas le moment de compter", estime aussi François Villeroy de Galhau, ajoutant toutefois que "cela ne pourra pas durer éternellement" et espérant "une sortie progressive du confinement".
"Quel que soit le scénario, on ne peut faire l'hypothèse d'un retour à la normale (...) au cours de l'année 2020", a estimé Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management dans une note publiée mercredi. Il anticipe un recul du PIB "au moins de 10% à 15% par rapport à 2019, avec une contraction jusqu'en juin, puis une stabilisation de l'activité.