Partager:
Novice en politique mais connue des téléspectateurs pour sa victoire à l'émission Koh-Lanta en 2003, Isabelle Séguin bat campagne au nom de la majorité présidentielle dans la 4e circonscription de l'Ain, une bataille indécise face au député sortant entré en dissidence et une opposition revigorée par le duel de marcheurs.
C'est jour de marché jeudi à Vonnas, bourgade de 3.000 âmes entre Mâcon et Bourg-en-Bresse, fief du chef étoilé Georges Blanc. Devant les étals, trois candidats se disputent l'attention des rares clients, tracts en mains.
"Je suis la candidate officielle de Monsieur Macron. Attention ne vous trompez pas! Il y a un dissident qui se réclame aussi de la majorité présidentielle", avertit Isabelle Séguin, abordant deux retraitées munies de cabas. Elle ne veut pas citer le nom du sortant LREM Stéphane Trompille, qui "tracte" à quelques mètres de là.
Ancienne formatrice dans l'humanitaire, la candidate de 60 ans, habitante des Dombes, la célèbre zone humide régionale, a été hôtesse de l'air et dirige aujourd'hui un centre de formation professionnelle.
Elle a commencé à militer pour En Marche avant la présidentielle de 2017, puis a pris ses distances avec la politique la même année, juste après avoir échoué à se faire investir aux législatives.
Cette fois, l'heure de cette fervente admiratrice du président est venue. Et elle se démène, multiplie les réunions, "tracte" et "boîte" devant les petits pavillons. "Tout cela est nouveau pour moi, mais je suis une combattante, travailleuse, et proche des gens", répond-elle aux critiques pointant son inexpérience.
Sur le marché, la candidate, veste beige et pantalon sombre légers, ne fait pas étalage de son moment de gloire télévisuel. Mais elle admet le dégainer parfois, car "cela suscite évidemment l'intérêt" et la surprise, même si certains peinent à la reconnaître vingt ans plus tard.
"Pour avoir gagné Koh Lanta elle doit avoir du caractère!", salue Eliette Renault, retraitée septuagénaire, partagée face au "choix difficile" entre les deux macronistes qui se disputent la circonscription principalement rurale de 129.000 habitants.
Lorsqu'Isabelle Séguin croise devant un étal de vêtements Philippe Lerda, candidat LFI/Nupes, celui-ci semble un peu agacé: "Non je ne connais pas Koh Lanta, je n'ai plus la télé depuis 25 ans. Moi aussi j'ai connu l'aventure, mais bon, dans la vraie vie!", assène-t-il.
- "Bon courage!" -
A quelques pas de là, Stéphane Trompille, 39 ans, semble plus détendu. En bras de chemise, il claque des bises et tapote les épaules, parfois cigarette au bec.
"Je ne veux pas me montrer trop confiant, ce sera aux électeurs de juger", récite l'homme à lunettes et à l'épaisse barbe noire. "Débranché" par LREM, il a choisi de maintenir sa candidature, estampillée "issue de la majorité présidentielle", pour "ne pas abandonner (s)a circonscription".
Marcheur de la première heure, il se plaint de ne pas savoir pourquoi on ne l'a pas investi.
En guise de pièces à conviction, ses détracteurs rappellent quelques épisodes embarrassants: une violente altercation avec des "gilets jaunes" sur un barrage à Attignat en 2018, largement relayée sur internet, ou sa condamnation aux prud'hommes en 2020 pour harcèlement sexuel d'une ancienne collègue.
"Si quelque chose ne va pas avec Stéphane, qu'on nous le dise!", réclame Philippe Bourret, militant LREM proche de l'élu. "Stéphane a eu un démarrage difficile, mais depuis trois ans il a fait du bon travail, au sein de la commission de la défense nationale et des forces armées et au niveau local", plaide ce commercial de 60 ans.
Ce périlleux duel de marcheurs fait craindre au militant "une avancée des extrêmes", dans une circonscription historiquement à droite - le député Michel Voisin (UDF puis UMP) y a effectué six mandats entre 1988 et 2017. Puis, au premier tour de la présidentielle, le Rassemblement national est arrivé de peu, en tête.
"L'Ain n'est plus une baronnie LR", tonnait le candidat RN Jérôme Buisson lors d'un récent débat sur France 3, face au très droitier candidat LR Aurane Reihanian, 29 ans.
Sur le marché, le soleil commence à cogner lorsque Stéphane Trompille croise enfin Isabelle Séguin. L'échange est aussi civilisé que glacial: "Bonjour M. le député!", engage cette dernière. "Bonjour... et bon courage!", répond le sortant en prenant rapidement congé.