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A l'approche de l'hiver sur l'île grecque de Lesbos, la santé des réfugiés vulnérables "empire de jour en jour", selon un médecin du camp de Kara Tepe, où plus de 7.300 migrants affrontent le froid, le vent et l'humidité, dans des conditions déjà précaires.
La semaine dernière, une tente des services d'asile a été emportée par le vent avant d'échouer dans la mer.
"Les tentes bougent avec les rafales de vent. Que devons-nous faire? Mettre des pierres dans nos poches afin que le vent ne nous emporte pas?", s'emporte un employé des services d'asile.
Sur un terrain inondable et en plein vent, le camp de Kara Tepe a été érigé en quelques jours, après la destruction par le feu, début septembre, de la mégastructure de Moria, le plus grand camp d'Europe.
Les conditions y sont épouvantables depuis l'arrivée de conditions hivernales.
Plus de 7.300 demandeurs d'asile, parmi lesquels des enfants, des personnes handicapées ou malades, s'entassent sous des tentes, sans chauffage ni eau chaude.
"Les résidents sont obligés d'allumer des feux pour se réchauffer, et ils viennent ensuite nous voir avec des problèmes respiratoires", note un médecin du camp ayant requis l'anonymat.
Pour Nasos Galis, médecin de l'Organisation nationale de la santé publique (EODY) de Lesbos, "les personnes vulnérables et les patients qui ont des maladies chroniques doivent quitter immédiatement le camp pour le continent".
Arezoo, 15 ans, a déjà passé un an à Lesbos, et décrit à l'AFP les conditions sordides à Kara Tepe.
En nombre insuffisant, "les toilettes ne sont nettoyées que le matin. Au bout de deux heures, elles sont inaccessibles tellement elles sont sales", raconte le jeune Afghan.
- Pas d'eau courante dans les douches -
Selon lui, "il n'y a pas d'eau courante dans les douches, donc nous sommes obligés de porter des bouteilles d'eau depuis nos tentes ou bien nous allons nous laver dans la mer".
"Comme les tentes sont loin des toilettes, certaines personnes fabriquent des abris de fortune avec des couvertures, des chiffons et du bois" à proximité des WC, ajoute-t-il.
Selon l'adolescent, les demandeurs d'asile n'ont de l'électricité que deux heures le matin, deux heures à la mi-journée et sept la nuit, mais le courant saute souvent et il n'y a pas d'accès au wifi pour communiquer avec leurs proches, ou tenter de faire accélérer leur demande d'asile.
Des cours improvisés sont organisés dans des tentes.
Mais Arezoo se consume d'ennui: "le plus dur est de n'avoir rien à faire toute la journée".
"Avec l'hiver et les conditions météorologiques qui se détériorent, certains manques doivent être comblés", explique la cheffe de mission du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) à Lesbos, Astrid Castelein.
- Conteneurs vides -
Le HCR a proposé son aide aux autorités grecques pour "accélérer les choses", dit-elle à l'AFP.
L'agence onusienne a suggéré "le transfert des demandeurs d'asile les plus vulnérables dans le centre géré par la municipalité, où des conteneurs sont actuellement vides", précise-t-elle. Une solution provisoire "le temps que les conditions soient améliorées dans le camp ou que les migrants soient transférés sur le continent", insiste-t-elle.
Le camp de Kara Tepe, construit à la hâte pour les 12.000 réfugiés laissés sans abri après l'incendie de Moria, est censé être temporaire. Il doit être remplacé par un autre camp plus adapté à l'été 2021, assure le ministère des Migrations.
Au froid et aux pluies diluviennes, s'ajoute la pandémie de coronavirus.
Les médecins du camp, les personnels humanitaires et les fonctionnaires travaillent les uns sur les autres, en pleine pandémie, dans des tentes conçues pour l'été, qui ont peu ou pas de chauffage.
"Trente-cinq employés travaillent dans une même tente, alors que le coronavirus se propage. Nous avons peur d'aller travailler", explique un employé des services d'asile.
Pour les milliers de migrants, les conditions de vie précaires dans le camp ne permettent pas non plus de respecter la distanciation sociale nécessaire, ni de se laver les mains fréquemment ou d'accéder rapidement aux soins médicaux.
Depuis la mi-mars, les déplacements des demandeurs d'asile dans toute la Grèce ont été limités, même lorsque le reste du pays est retourné à la normalité début mai.
"Nous pouvons sortir du camp qu'une fois par semaine quelques heures, et nous essayons de gérer tous nos besoins dans ce court laps de temps", explique Jean-Pierre, un Camerounais de 30 ans.
"Tout le monde est terrifié dans le camp", dit-il.