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Il se veut écrivain-soldat: Zakhar Prilépine, blessé samedi en Russie dans une attaque à l'explosif, a eu un temps les éloges de la critique occidentale. Avant de mettre sa plume et sa kalachnikov au service du Kremlin en Ukraine.
Crâne rasé et barbe naissante, débit rapide et légèrement tremblotant, l'auteur de 47 ans est une figure bien visible dans les médias en Russie. Ses livres, inspirés dans son expérience de la guerre et de la province russe, s'y vendent avec succès.
Ancien combattant des guerres de Tchétchénie dans les années 1990, il a un temps milité dans l'opposition, tout en se faisant un nom avec ses premiers romans, qui avaient été remarqués en Russie et en Europe occidentale.
Puis tout a changé avec l'annexion de la Crimée en 2014. Il a embrassé la cause de Vladimir Poutine en défendant dans ses oeuvres les séparatistes prorusses dans l'est de l'Ukraine et en allant combattre à leurs côtés.
"La Russie se transforme en Donbass (région de l'est de l'Ukraine). Un grand nombre de personnes veulent la détruire", a-t-il assuré dans une interview au média Chita.ru en novembre dernier.
Né en 1975, dans la région de Riazan, avant de s'installer dans celle de Nijni Novgorod où il a été blessé samedi dans l'explosion de sa voiture, il a été envoyé combattre, tout jeune, dans l'enfer de la Tchétchénie des années 1990.
A son retour à la vie civile, il raconte dans son premier roman (Pathologies, 2004) les combats d'une unité de forces spéciales à Grozny, entre beuverie et massacres. Le ton est donné pour la suite.
- Volte-face -
Ses romans et nouvelles, qui excellent dans la description de la vie des jeunes de province, obtiennent plusieurs prix et sont traduits en Europe, notamment en France.
A ce moment-là, dans les années 2000, Zakhar Prilépine milite dans l'opposition au sein du parti national-bolchévique du sulfureux écrivain Edouard Limonov (1943-2020), mêlant revendications sociales d'extrême-gauche, nationalisme et nostalgie de l'empire soviétique.
Prilépine revendique toujours des convictions "sociales" en faveur des plus pauvres face aux oligarques et aux corrompus.
Après avoir raillé Poutine en 2014, il est devenu l'une des voix du discours du Kremlin, apparaît régulièrement sur les plateaux de télévision russes, entre deux aller-retours dans le Donbass.
L'attaque à grande échelle contre l'Ukraine, le 24 février, qui a plongé le pays dans le feu et le sang, n'a en rien chamboulé ses convictions.
"Je n'ai aucun cas de conscience par rapport à ce qui se passe. C'est arrivé, il faut maintenant aller jusqu'au bout", a-t-il dit en novembre.
Sous sanctions européennes depuis fin février 2022, il a participé l'an dernier à un groupe parlementaire chargé de débusquer les acteurs du monde culturel en Russie ayant des "positions antirusses".
A son échelle, il est l'un des acteurs de l'épuration culturelle en cours en Russie, où les voix dissidentes sont persécutées, emprisonnées ou poussées à l'exil.
L'écrivain s'est déjà comparé à Léon Tolstoï ou Mikhaïl Lermontov, qui ont tous deux combattu comme soldats avant de raconter leurs expériences. Et, selon lui, ces deux géants de la littérature auraient pu rejoindre les combattants russes en Ukraine.
En 2018, interrogé par l'AFP à Paris sur sa participation au conflit dans le Donbass, ils disait :"Notre but est de contrôler et de conquérir des territoires. Tuer n'est pas un but en soi et on devra rendre des comptes en enfer."