Partager:
"Il y a beaucoup de piscines à construire!" Malgré les polémiques sur les pénuries d'eau et les aléas économiques, Jean-Louis Desjoyaux, patron de l'entreprise familiale fondée par son père en 1968, investit des dizaines de millions pour rebondir.
Une bonne partie des gens qui arrivent sur le site internet de Desjoyaux avaient cherché "piscine" et "coque", s'amuse sa fille Fanny, chargée du marketing et de la communication.
Il n'est pourtant pas question ici de ces grandes bassines que l'on remplit d'eau.
Dans son usine de La Fouillouse (Loire) à quelques kilomètres de Saint-Etienne, le numéro un européen des piscines enterrées fabrique des éléments en kit. Des pièces de polypropylène qui formeront la paroi du bassin.
"L'idée, c'est de les assembler comme des Lego, à la taille voulue", explique Cyril Chastre, le responsable des ressources humaines qui commente une visite pour l'AFP. "Après, on coule le béton" dans cette armature de plastique montée sur place, une fois la fosse creusée.
Un plastique recyclé, puisque la matière première vient du recyclage de bouteilles d'eau, d'anciens habitacles de voitures ou de pare-chocs...
Des petites billes de ce plastique de seconde main, acheminées dans des gros tuyaux parcourant l'usine, sont fondues dans des moules de toutes tailles.
Les piscines sont de plus en plus petites ces dernières années, parce que les jardins ont rétréci. Elles sont moins profondes aussi et on a souvent pied dans les bassins contemporains, destinés selon M. Desjoyaux à "se rafraîchir en famille".
"C'est l'autre définition de la piscine", expose-t-il: "une pièce à vivre", qui complète la maison. Et clairement pas réservée aux plus aisés.
"La piscine de demain ? Une très petite piscine très équipée avec tout le bien être à l'intérieur" comme la nage à contre-courant ou des jets de massage, juge-t-il. Un gros jacuzzi, en somme.
- "Très peu d'eau" -
La période est particulière: le marché est porteur, mais la guerre en Ukraine, le retour de l'inflation et la hausse des taux d'intérêt ont poussé les consommateurs à faire des économies.
Or, Desjoyaux s'inscrit clairement dans le haut de gamme, avec des piscines coûtant typiquement de 20.000 à 25.000 euros.
"Nous sommes toujours frappés les premiers quand il y a un événement mondial, économique, politique ou géopolitique", soupire M. Desjoyaux. Il prévoit une baisse de 10% de son chiffre d'affaires pour l'exercice en cours (clos fin août), avec -8% en France mais jusqu'à -40% en Allemagne.
La société cotée en Bourse, qui réalise 40% de ses ventes à l'export, avait dégagé sur l'exercice précédent un bénéfice net de 21,3 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 161 millions d'euros.
"On va faire 10.000 piscines cette année", contre 11.250 sur l'exercice précédent et plus de 13.000 un an avant. L'usine de la Fouillouse, la seule du groupe, peut en produire jusqu'à 20.000.
"Nos marges ont souffert un peu, mais nous restons très, très largement bénéficiaires", rassure-t-il.
"Bien sûr qu'on rebondira!", assure Jean-Louis Desjoyaux. "Il va falloir courber l'échine deux ou trois ans", dit-il, promettant une offensive commerciale à l'automne.
"Le parc actuel est de 2 millions", et on estime qu'il y a rien qu'en France "7 millions de clients-cibles potentiels", dit-il, et bien davantage à l'étranger.
"Une piscine, c'est très peu d'eau", répond Jean-Louis Desjoyaux quand on lui parle de pénurie: 40 m3 d'eau en moyenne, plus 5 ou 6 m3 par an pour compenser l'évaporation "et beaucoup moins si on couvre la surface".
Selon la Fédération des professionnels de la piscine (FPP), les bassins privés représentent 0,13% de la consommation annuelle en eau.
Pas de quoi entraver la croissance pour l'entrepreneur ligérien. Il annonce 70 millions d'euros d'investissements à La Fouillouse, où Desjoyaux multiplie les ateliers sur les terrains voisins, allant jusqu'à racheter les derniers pavillons du coin.
L'entreprise va créer un centre de recyclage des plastiques pour produire son polypropylène, préparer elle-même le PVC dont est composé le "liner" - le revêtement des piscines -, renforcer les équipes de recherche et développement et fabriquer ses propres moteurs.
"On préfère être maître de notre fabrication", résume Fanny Desjoyaux.