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Les élections législatives en Espagne, les plus importantes depuis l'avènement de la démocratie dans ce pays, se sont achevées dimanche soir, les sondages des derniers jours prédisant tous une victoire de la droite qui pourrait entraîner le retour au pouvoir de l'extrême droite, pour la première fois depuis la fin du franquisme.
Les bureaux de vote ont fermé leurs portes à 20H00 locales (18H00 GMT) sur la péninsule, les opérations de vote devant encorer durer une heure sur l'archipel des Canaries, heure à laquelle seront connus de premiers résultats partiels.
Selon un sondage rendu public par la télévision publique TVE, le Parti Populaire (PP, droite) d'Alberto Núñez Feijóo remporterait le scrutin avec entre 145 et 150 sièges, loin de la majorité absolue au Congrès des députés (176 sur 350) qui lui permettrait de gouverner seul.
Trois autres sondages réalisés au cours des derniers jours -- leur publication était interdite depuis lundi dernier -- que l'AFP a pu consulter donnaient tous le PP vainqueur plus ou moins largement, mais sans la majorité absolue.
Selon certains de ces sondages, il serait toutefois en mesure de l'atteindre en s'alliant à Vox, parti d'extrême droite dont les positions sont proches de celles du Premier ministre hongrois Viktor Orban.
La participation, qui avait bondi de 2,5 points à la mi-journée, s'affichait en net repli à 16H00 GMT à 53,12% contre 56,85% lors des dernières législatives de 2019, les électeurs s'étant plutôt mobilisés le matin en raison de la chaleur intense.
- "Répercussions" dans toute l'Europe -
M. Feijóo a déclaré après avoir voté qu'il espérait que l'Espagne "entame une nouvelle ère".
Cette élection est "très importante (...) pour le monde et pour l'Europe", a estimé, de son côté, le Premier ministre sortant, le socialiste Pedro Sánchez, au pouvoir depuis cinq ans. Les sondages des derniers jours créditent le Parti socialiste de 110 à 120 sièges.
Le scrutin suscite un intérêt inhabituel à l'étranger en raison de la possible arrivée au pouvoir d'une alliance entre la droite traditionnelle et le parti ultranationaliste, ultraconservateur et europhobe Vox, qui rejette l'existence de la violence de genre, critique le "fanatisme climatique" et est ouvertement anti-LGBT et anti-avortement.
Un tel scénario marquerait le retour au pouvoir de l'extrême droite en Espagne pour la première fois depuis la fin de la dictature franquiste en 1975, il y a près d'un demi-siècle.
A l'approche des élections européennes de 2024, le basculement à droite de la quatrième économie de la zone euro, après celui de l'Italie l'an dernier, constituerait un revers cinglant pour la gauche européenne, d'autant plus symbolique que l'Espagne exerce actuellement la présidence tournante de l'UE.
Dans une tribune publiée dimanche dans le quotidien français Le Monde, l'ancien Premier ministre travailliste britannique Gordon Brown a estimé qu'une entrée de Vox au gouvernement - synonyme, selon lui, de "capitulation des conservateurs espagnols face à l'extrême droite" - aurait "des répercussions sur tout le continent".
Si le PP l'emporte sans la majorité absolue des sièges, son seul partenaire potentiel sera Vox, parti né en 2013 d'une scission du PP, avec lequel il gouverne déjà dans trois des 17 régions du pays.
Le leader de Vox, Santiago Abascal, a averti que le prix de son soutien serait une participation au gouvernement.
- "Pas l'idéal" -
M. Feijóo, qui a décrit le PP comme "un parti de centre-droit réformiste", a maintenu jusqu'au bout le flou sur ses intentions, admettant toutefois vendredi qu'un gouvernement de coalition avec Vox "n'est pas l'idéal".
Donné battu après la déroute de la gauche lors des élections locales de mai, qui l'avait convaincu de convoquer ce scrutin anticipé, M. Sánchez, 51 ans, a fait de Vox un épouvantail afin de jouer sur la peur de l'extrême droite.
Dénonçant "le tandem formé par l'extrême droite et la droite extrême" et jouant la carte européenne, il a estimé qu'un gouvernement de coalition PP/Vox "serait non seulement un recul pour l'Espagne" sur le plan des droits, "mais aussi un sérieux revers pour le projet européen".
Pour lui, la seule alternative est le maintien au pouvoir de l'actuelle coalition de gauche, mise sur pied en 2020, entre son parti socialiste et la gauche radicale, représentée par la ministre communiste du Travail Yolanda Díaz.
"Pour les gens de ma génération, ce sont les élections les plus importantes (...) C'est la prochaine décennie qui se joue", a mis en garde dimanche Mme Díaz, dont la formation Sumar regroupe une quinzaine de partis.