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Lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, Ivan Zadontsev s'est précipité pour rejoindre l'armée. Après deux ans de guerre, le militaire est épuisé, mais a peu d'espoir d'être prochainement remplacé sur le front, faute de recrues.
La mobilisation de centaines de milliers de nouveaux soldats pour remplacer ceux qui se battent depuis longtemps est la question brûlante - et politiquement périlleuse - en Ukraine, alors que le conflit entre bientôt dans sa troisième année.
"Ce que je ressens, c'est de la fureur. Combien de temps cela va-t-il encore durer ?", fulmine auprès de l'AFP Ivan Zadontsev, officier de presse du 24e bataillon d'assaut séparé ukrainien.
"Nous sommes tous fatigués. Nous voulons tous nous reposer. S'il vous plaît, remplacez-nous", lance le jeune homme de 27 ans, qui a pris part aux combats.
Son compatriote Serguiï Ogorodnyk, 39 ans, qui commande une compagnie des forces aéroportées, abonde: "les gens ont besoin de congés, pas seulement pour récupérer et continuer à se battre, mais aussi pour reconstruire leur vie civile".
Le militaire affirme que le sentiment "d'injustice" à l'égard de ceux qui n'ont pas encore été appelés à se battre est omniprésent au sein des troupes déployées sur le front.
Pour remédier à la situation, un projet de loi controversé facilitant l'enrôlement a été adopté par le parlement en première lecture début février, mais le texte a aussi déclenché un vif débat.
Et le prolongement de la guerre, la stagnation du front après l'échec de la contre-offensive ukrainienne de 2023, ont sapé l'enthousiasme des futurs soldats.
- "Démotivant" -
Daniïl, coiffeur de 27 ans qui habite à Kiev, raconte à l'AFP qu'il aurait pu envisager de s'engager dans l'armée il y a un an, lorsque Kiev enchaînait les succès face à Moscou. Mais plus maintenant.
"Tout le monde espérait que les choses s'arrangeraient, que tout pourrait être résolu, que tout pourrait être reconquis... maintenant, les gens sont plus réalistes", explique-t-il.
Selon Anton Grouchetsky, de l'Institut international de sociologie de Kiev, l'incertitude quant à la pérennité du soutien occidental à l'Ukraine a également un impact.
"Les Ukrainiens étaient prêts à mourir sur le champ de bataille lorsqu'ils se sentaient fortement soutenus. S'ils savent qu'ils n'auront pas d'armes pour se battre, c'est démotivant", relève-t-il.
Une série de scandales de corruption et la réputation de l'armée d'être un enfer bureaucratique ont aussi découragé les hésitants comme Daniïl.
"Je pensais qu'on me prendrait immédiatement la main en me disant: +Allez, on y va !+", témoigne Evguen Spirine, qui s'est enrôlé il y a quatre semaines.
Au lieu de cela, "il faut un cachet ici, une signature là...". "C'est difficile à expliquer à ceux qui n'ont pas connu l'Union soviétique", lance-t-il en relatant ses déplacements dans divers centres administratifs surchargés et disséminés en ville.
- 500.000 hommes de plus -
Certaines agences tentent de rendre l'enrôlement plus simple, telles que Lobby X, qui publie les postes dans l'armée sur un site web avec moult explications. Mais la modernisation du système "est un très grand défi", reconnaît le PDG Vladyslav Greziev.
Selon lui, son site a reçu plus de 67.000 candidatures. "Nous aidons les gens à franchir le pas vers les forces armées, parce qu'ils ont plus de clarté et de contrôle sur leur avenir", affirme-t-il.
Le président Volodymyr Zelensky a révélé en décembre que l'armée voulait enrôler 500.000 soldats supplémentaires, un chiffre qui a provoqué une brouille entre la présidence et le commandant en chef Valery Zaloujny, finalement remercié.
Le chef de l'Etat insiste lui sur un "système de rotation efficace" des troupes disponibles assurant que sur "près d'un million d'hommes" déjà enrôlés, seule "une minorité" est actuellement déployée sur le front.
Le projet de loi actuellement en examen au parlement prévoit d'abaisser l'âge de la mobilisation de 27 à 25 ans et d'introduire des ordres d'enrôlement virtuels, mais aussi de limiter à 36 mois le service militaire en temps de guerre.
Des changements qui en inquiètent plus d'un alors que les réseaux sociaux ukrainiens regorgent de vidéos montrant des mobilisations musclées de jeunes hommes ainsi que des informations sur la localisation de policiers distribuant des convocations dans des lieux publics.
L'intégration de ces nouvelles recrues est d'ailleurs délicate.
"Dans notre unité, nous n'aimons pas que les hommes soient mobilisés contre leur gré", affirme Ivan Zadontsev. Ce dont ses hommes ont besoin, ce sont des personnes motivées et suffisamment formées.
Il espère que ses compatriotes prendront conscience de ces enjeux et regarniront les rangs de l'armée.
"Nous nous battons pour le pays tout entier, pour notre indépendance", souligne-t-il. "Si nous cessons de nous battre, nous serons à nouveau occupés".