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L'arrivée du printemps est d'habitude synonyme de terrasses bondées à Belgrade, capitale de la Serbie. Mais samedi, l'effroi et la colère marquaient les esprits, après deux fusillades ayant fait 17 morts en 48 heures, semant la stupéfaction dans le petit pays des Balkans.
Les gens se demandent : "Pourquoi ?" Mercredi, dans un quartier chic du centre de Belgrade, un élève de treize ans a ouvert le feu dans un établissement scolaire, tuant huit camarades, sept filles et un garçon, ainsi qu'un gardien très apprécié.
Moins de deux jours plus tard, la Serbie encore sous le choc subit un nouveau massacre: un jeune homme de 21 ans assassine huit personnes au fusil automatique et en blesse 13 autres dans deux villages à une soixantaine de kilomètres de Belgrade. Il a été arrêté après plusieurs heures de cavale.
Samedi, au deuxième jour du deuil national décrété par les autorités, le traumatisme était palpable dans les rues de Belgrade.
Des gens continuent à se rendre devant l'école Vladislav Ribnikar, la plupart un lys calla à la main, et font la queue pour signer un livre de condoléances posé sur une table devant l'entrée de l'établissement, gardé par les policiers.
Les trottoirs autour de l'école ont été transformés en sanctuaires de fortune, avec des monticules de fleurs, de jouets, de lettres, de poèmes, au milieu des taches de cire ayant coulé des cierges.
- Dernier hommage -
"Mon fils a voulu rendre un dernier hommage à ses amis", confie à l'AFP Zoran Radojicic, un pharmacien de 51 ans, après avoir signé le livre de condoléances, se disant "attristé, mais surtout en colère".
D'habitude animé, le quartier est plongé dans le silence, rompu seulement par des sanglots étouffés et le crépitement des flammes de cierges.
"Nous sommes tous coupables: les parents, le gouvernement et le système d'éducation", dit Todor Dragicevic, un médecin de 28 ans. "Nous n'avons pas su régler les problèmes".
En Serbie, environ 39 personnes sur 100 possèdent une arme à feu, taux le plus élevé d'Europe pour la détention d'armes par des civils, selon le projet de recherche Small Arms Survey (SAS).
Les armes occupent une place importante dans la culture du pays, après des siècles d'occupation, de rébellion et de guerres.
Malgré cela, les fusillades sont rares et les tueries dans des écoles inexistantes dans l'histoire récente de la Serbie.
Le président serbe Aleksandar Vucic a promis de "désarmer" le pays en réduisant le nombre de permis de port d'armes et en s'attaquant au problème des armes illégales, rampant depuis les guerres des années 1990.
"Moins de fusils signifiera moins de danger pour nos enfants", a-t-il lancé.
Mais certains s'interrogent sur d'autres causes possibles des tueries.
"Il y a beaucoup plus d'agressivité dans la société", déclare à l'AFP Tamara Dzamonja Ignjatovic, présidente de l'Association de psychologues de Serbie.
- Atténuer le choc -
Les médias pro-gouvernementaux glorifient le mode de vie des criminels. Les gangsters condamnés sont les vedettes de programmes télévisés populaires.
Le président Vucic lui-même avait montré lors d'une interview en direct en 2021 des images de corps démembrés de criminels supposés, précisant qu'il était important que les citoyens "voient à quel genre de monstres nous avons affaire".
"Malheureusement, le comportement scandaleux d'un être humain envers un autre est encouragé, que ce soit dans les émissions de téléréalité ou au Parlement", déplore Mme Dzamonja Ignjatovic.
Mais la tragédie a aussi montré un côté plus pacifique de la Serbie.
Dans la foulée des fusillades, les gens ont répondu aux appels à donner leur sang et des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour rendre hommage aux victimes.
"Beaucoup de gens ont fait preuve de solidarité et d'empathie, chose la plus importante aujourd'hui (...) Nous ne pouvons pas revenir en arrière, mais nous pouvons atténuer le choc", souligne Mme Dzamonja Ignjatovic.