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La justice consacre l'innocence d'un homme condamné à tort pour viol en 2003

L'aboutissement d'un "combat pour l'innocence": la Cour de révision a pris jeudi la décision rarissime d'annuler la condamnation pour viol sur mineure prononcée fin 2003 contre Farid El Hairy, jugé coupable et écroué pour des faits qu'il n'a jamais commis.

Cette décision, qui fait de cet homme de 41 ans le douzième cas connu de révision d'une condamnation aux assises depuis 1945, fait suite à la rétractation de son accusatrice. En 2017, Julie D. avait confié aux autorités avoir inventé les faits de toutes pièces, "coincée dans l'emprise" d'un "secret familial".

"Rien ne subsiste à la charge de Farid El Hairy", a tranché, sous les ors de la Cour de cassation, le président de la Cour de révision Nicolas Bonnal, ajoutant que cette condamnation était annulée sans qu'il y ait lieu d'ordonner un nouveau procès. "L'affaire est terminée par cette décision qui vous lave de toute condamnation".

Ému aux larmes, M. El Hairy s'est dit soulagé que la vérité soit "rétablie" tout en observant que rien n'effacera les "vingt-quatre années de souffrance" qui l'ont "détruit", lui et sa famille. "J'ai fait un an d’incarcération mais les vingt-trois années d'incarcération mentale, c’est ce qu’il y a de plus difficile. Ça restera à vie", a-t-il déclaré devant une nuée de caméras.

"J’ai été maltraité par la justice (…). Il ne faut pas que ce soit la justice en général qui soit mise en cause mais en tout cas ils doivent éviter que ça se reproduise", a-t-il ajouté.

A ses côtés, son avocat Frank Berton a salué "l’aboutissement d'un magnifique combat pour l’innocence" et appelé la justice à "écouter les uns et les autres", plaignants comme mis en cause. "Sacraliser des paroles, ça ne suffit pas toujours pour arriver à rendre justice", a-t-il dit.

- "Autre combat" -

La vie de Farid El hairy, alors âgé de 17 ans, bascule en 1998 dans la petite ville d'Hazebrouck (Nord) quand Julie D., 15 ans, affirme avoir été violée et agressée sexuellement par lui.

Ses dénégations ne suffisent pas à éviter son renvoi devant la cour d'assises des mineurs du Nord en décembre 2003 où il est condamné à cinq ans de prison, dont quatre ans et deux mois avec sursis, de quoi couvrir sa période de détention provisoire.

Il est inscrit au fichier des auteurs d'infractions sexuelles et contraint de pointer tous les ans à la gendarmerie. Quant à ses parents, ils sont condamnés à verser 17.000 euros de dommages et intérêts à la plaignante.

Coup de théâtre en octobre 2017 : Julie D. écrit au procureur de Douai et "confesse avoir menti". "Monsieur Farid El Hairy n'est coupable de rien (...) J'étais enfermée dans mon propre mensonge".

Entre ses 8 et 12 ans, écrit-elle, Julie D. a en réalité été victime d'"incestes répétés de la part de (son) grand frère" contre lequel elle finit par déposer plainte.

Dans sa décision, la cour de révision note qu'elle n'avait "pas osé" dénoncer son frère auprès de ses parents et avait mis en cause M. El Hairy, qu'elle "connaissait uniquement parce qu'il aurait eu un différend avec son ami de l'époque".

Il faudra attendre l'été 2022 pour que les autorités informent M. El Hairy de ce revirement. "C'est toujours difficile d’admettre ses erreurs", a-t-il commenté, estimant aussi que la justice avait voulu "protéger" la famille de son accusatrice.

En rendant sa décision, le président de la cour a salué la "dignité" de M. El Hairy et a dit espérer que "l'avenir se présentera pour (lui) désormais d’une façon différente".

Son nom sera retiré de tous les fichiers de police et le jugement de révision sera publié au Journal officiel, dans cinq quotidiens et affiché dans la commune d'Hazebrouck. "C'est indispensable", a commenté le président de la cour.

Son combat n'est toutefois pas fini : M. El Hairy va demander à l’État la réparation financière de son préjudice et entend engager des poursuites contre son accusatrice.

Restera aussi pour lui à convaincre ses deux enfants qu'il faut, malgré l'injustice qu'il a subie, "respecter la justice". "C'est relativement difficile, c’est un autre combat".

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