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Argentine: les "femmes de ma vie" de Maitena, la "Bretécher argentine"

Célèbre pour ses planches humoristiques sur la vie quotidienne des femmes, à travers notamment la série "Les déjantées", la dessinatrice argentine Maitena célébrée dans une rétrospective à Buenos Aires affirme que "l'humour soulage la douleur".

Sous le titre "Les femmes de ma vie", le Centre culturel Kirchner de la capitale argentine présente l'oeuvre et des inédits de cette dessinatrice à succès qui dit s'être inspirée de l'oeuvre de la Française Claire Bretécher (1940-2020).

"J'avais 19 ans lorsque je suis tombée sur l'une de ses bandes dessinées +Le cordon infernal+. C'est là que j'ai réalisé que c'était ce que je voulais faire", dit-elle à l'AFP.

Publiés dans vingt pays, les recueils de sa quinzaine de bandes dessinées ont été vendus à plus d'un million d'exemplaires à travers le monde. "Tournants dangereux", l'un de ses albums les plus célèbres, a également été publié en France.

Aujourd'hui, à 60 ans, délivrée des exigences des contrats d'édition qui lui prenaient jusqu'à 12 heures par jour, Maitena Burundarena reconnaît que ses albums et ses caricatures publiées dans la presse quotidienne ont permis d'ouvrir un dialogue sur les femmes, surtout dans les pays d'Amérique latine "avec leur machisme profondément ancré".

"Mon travail a aidé de nombreuses femmes à s'interroger sur des choses qu'elles ressentaient mais qu'elles ne pouvaient pas mettre en mots," raconte-t-elle, car "l'humour est une façon de dire les choses sans être agressif et sans être méchant".

Des femmes insatisfaites de leur corps, minées par les difficultés de leur couple, des mères qui allaitent, des grands-mères qui font bronzette... Les planches de Maitena parlent essentiellement des femmes.

"La grande différence dans l'humour qu'on fait, nous les femmes, c'est que nous rions de nous-mêmes, on ne se moque pas des autres. L'humour soulage la douleur et la souffrance. Pouvoir rire de ce qui t'a fait souffrir d'une certaine façon te fait du bien, cela te sauve", estime-t-elle.

Et, en même temps, elle met en garde contre les excès du politiquement correct.

"L'humour hyper-féministe des années actuelles ne me fait pas rire. C'est un humour rempli de consignes. On ne peut pas utiliser le mot patriarcat dans une blague, ce n'est pas le vocabulaire (d'une blague), ce n'est pas drôle. C'est un cadre théorique", souligne-t-elle, appelant à "rire un peu plus, non pas les uns des autres, mais de la misère humaine".

- "Puissante" -

L'exposition dévoile des pages moins connues de son travail, comme ses premières caricatures de l'héroïne de son album "Flo" qui se demande pourquoi son père veut un fils alors qu'il a déjà une fille, ou certains dessins érotiques publiés dans les années 1980 dans le magazine Sex Humor où elle parlait du désir des femmes.

Une époque où, se souvient-elle, elle ne faisait que dessiner et n'osait pas écrire.

"Les femmes n'avaient pas le pouvoir de faire autant de choses. Je me suis sentie assez puissante pour dessiner de l'érotisme, des femmes qui sont excitées. C'était déjà beaucoup dans une salle de rédaction où l'humour était sexiste, misogyne, homophobe, raciste... et moi je faisais des femmes sexy. C'était beaucoup. Mais c'était alors difficile pour moi de leur donner une voix".

Aujourd'hui mère de trois enfants, dont deux qu'elle a eu à peine majeure, Maitena vit entre les plages de l'Uruguay voisin et Buenos Aires où elle retrouve sa petite-fille de sept ans.

"Je m'amuse bien. Je ne voudrais pas avoir 20, 30 ou 40 ans. J'ai fait tout ce que j'ai aimé dans la vie, beaucoup de choses me sont arrivées. J'arrive à un moment où j'aspire à plus de calme. J'aime être dans la nature, lire, écrire, être avec les gens que j'aime, être une grand-mère".

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