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Quand les lumières du Chuck's Dairy Bar ont commencé à clignoter et que soudain les cieux ont grondé, Tracy Harden a compris que la tornade annoncée vendredi soir dans sa petite ville du Mississippi allait être beaucoup plus dangereuse qu'elle ne le pensait.
Elle a crié "Frigo!" et avec son mari et ses employés, elle a couru vers l'énorme rectangle de métal gris qui a fini par sauver neuf vies.
Un peu plus tôt, il avait un peu plu, un peu venté, les sirènes n'avaient pas retenti. Alors "on ne s'est pas inquiété outre mesure", raconte-t-elle lundi à l'AFP à Rolling Fork, casquette sur la tête, depuis le terrain sur lequel se tenait son établissement.
La tornade qui a frappé le Mississippi a fait au moins 25 morts et d'immenses dégâts, selon les autorités de cet Etat du Sud.
La cuisinière, Barbara Nell McReynolds-Pinkins, 52 ans – "Miss P", comme elle est affectueusement surnommée - avait tout juste fini de préparer un steak accompagné de frites et de salade pour un client quand les choses ont brutalement changé.
"C'était terrifiant", dit-elle à l'AFP, encore tremblante. Le bruit du vent, les éclairs, la pluie.
Sur son téléphone, Tracy Harden, 48 ans, reçoit des messages de proches, la mettant en garde contre une tornade exceptionnellement violente.
"Les lumières ont clignoté, j'ai hurlé +frigo+", décrit-elle. Mais avant même que son mari n'empoigne la porte du réfrigérateur, la salle a été plongée dans le noir.
- Toit envolé -
"Il nous a poussés dans le frigo et je criais les noms de tout le monde pour être sûre que nous ayons tout le monde", ajoute-t-elle sans pouvoir contenir son émotion.
Le vent est si fort que son époux perd presque le contrôle de la porte. Or ils doivent absolument la rabattre pour se protéger tout en la gardant à peine entrouverte pour ne pas être bloqués à l'intérieur si la tempête venait à se prolonger.
A ce moment-là, "il a dit: +j'aperçois le ciel+. Ça voulait dire que notre toit s'était envolé", dit Tracy Harden.
Pendant un long moment – impossible pour les deux femmes de se souvenir combien de temps ce calvaire a duré – les neuf sont serrés les uns contre les autres, poussés vers les étagères en métal remplies de lait et de viande.
"On est agités dans tous les sens, le frigo bouge, on crie, on pleure, on prie. Et soudain, ça s'est juste arrêté", affirme Mme Harden.
Son mari essaie d'ouvrir la porte, qui semble coincée. Elle appelle le numéro d'urgence 911, ils crient à l'aide dans l'espoir que quelqu'un les entende.
Et c'est là que le client pour qui Miss P a préparé le steak arrive.
- "Dieu nous a sauvés" -
"Il s'était cassé le bras et est, d'une manière ou d'une autre, parvenu à enlever les débris devant la porte. Il l'a ouverte et nous a tous fait sortir", dit avec reconnaissance Tracy Harden.
Dehors, c'est la désolation. Autour d'eux, tous les bâtiments ont été soufflés, aplatis. Les deux motels qui se tenaient près du restaurant et qui appartiennent aussi à Tracy Harden et son époux ont disparu.
"Dieu nous a sauvés" et Tracy Harden a été son instrument, souffle Barbara Nell McReynolds-Pinkins.
Comment la propriétaire du restaurant a-t-elle eu la présence d'esprit de penser au réfrigérateur comme à un abri?
"J'ai toujours entendu que si vous vous trouvez dans un restaurant et qu'il y a un frigo, allez dans le frigo. Ça m'est juste revenu", dit-elle, des larmes coulant sur ses joues.
Pour Tracy Harden, il est encore trop tôt pour penser à l'après, à l'assurance, à la reconstruction. "C'est le cadet de nos soucis" face à la dévastation et à l'impact humain de la catastrophe, explique-t-elle.
Mais ce qui est sûr, c'est que "nous serons de retour", et sur le même emplacement, dit-elle.
Quant au frigo, "on va le recouvrir de bronze, on va le rendre tout beau!", ajoute-t-elle en riant. "Il nous a sauvé la vie!"