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Manif devant la Cour interaméricaine qui doit se prononcer sur le droit d'avorter

Des militantes féministes se sont rassemblées mercredi à San José devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme, qui se penche pour la première fois de son histoire sur le droit à l'avortement avec le cas d'une jeune femme empêchée de mettre fin à une grossesse à risque au Salvador.

Le pays d'Amérique centrale sera mercredi et jeudi sur le banc des accusés de la Cour pour violation présumée des droits humains et "torture" après avoir forcé une femme, identifiée sous le prénom fictif de "Beatriz", à porter un foetus non viable en dépit de risques pour sa vie.

Des militantes féministes se sont rassemblées dès l'aube devant le siège costaricain de la Cour pour suivre l'audience en direct sur un écran géant en brandissant des pancartes comme "Ce combat est pour Beatriz et pour toutes" les femmes, ou "Le jugement de la Cour peut rendre justice à Beatriz et changer l'avenir des femmes d'Amérique latine".

De l'autre côté de la rue, une vingtaine de militants opposés à l'avortement manifestent aussi, en silence ou en priant à voix basse.

Devant la Cour, la mère de "Beatriz", dont l'anonymat n'a pas été levé, a expliqué que "les médecins lui avaient dit qu'elle ne pouvait pas poursuivre sa grossesse" mais qu'ils n'avaient pas le droit de pratiquer une interruption de grossesse.

Le Salvador interdit formellement l'avortement depuis 1998 sous peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 8 ans. Les tribunaux du pays condamnent même souvent les femmes qui avortent pour homicide aggravé et leur infligent des peines pouvant aller jusqu'à 50 ans de prison.

"Le fait que la Cour ait accepté d'entendre cette affaire indique clairement que le refus de tout service de santé, y compris ceux qui sont controversés comme l'avortement, constitue une violation des droits humains", estime Maria Antonieta Alcalde, de l'ONG de défense des droits génésiques Ipas, qui figure parmi les plaignants.

Beatriz, décédée dans un accident de la route en 2017, souffrait d'une maladie auto-immune lorsqu'elle est tombée enceinte pour la deuxième fois en 2013, à l'âge de 20 ans, après un premier accouchement compliqué.

Le fœtus s'est avéré non viable en raison d'une grave malformation congénitale et, selon des documents judiciaires, Beatriz a été informée qu'elle risquait de mourir si elle menait à terme la grossesse.

La jeune femme s'est alors tournée vers la justice afin d'être autorisée à avorter mais sa demande a été rejetée par la Cour constitutionnelle. Elle est entrée en travail prématurément, a subi une césarienne et le fœtus est mort cinq heures après l'accouchement.

- Forme de torture -

Gisela de Leon, du Centre pour la justice et le droit international (Cejil), une ONG de défense des droits humains qui figure également parmi les plaignants, estime que l'Etat salvadorien a "violé son droit à la vie et à l'intégrité personnelle" en l'obligeant à porter le fœtus pendant 81 jours, sachant qu'il ne pourrait pas vivre.

"Les souffrances auxquelles elle a été soumise, sachant que son droit à la vie était menacé, constituent une forme de torture", assure-t-elle.

La famille de la jeune femme, originaire de La Noria Tierra Blanca, à une centaine de kilomètres au sud-est de la capitale San Salvador, a décidé de poursuivre l'affaire en justice après sa mort afin "qu'aucune autre femme ne vive ce qu'elle a vécu", selon son frère Humberto, 30 ans, qui a requis l'anonymat pour préserver celui de sa soeur.

En Amérique latine, l'avortement est autorisé en Argentine, en Colombie, à Cuba, en Uruguay et dans certains Etats du Mexique. Dans d'autres pays, comme au Chili, il est autorisé dans certaines circonstances telles que le viol, les risques pour la santé de la mère ou dans les cas de malformation du foetus, tandis que des interdictions totales s'appliquent au Salvador mais aussi au Honduras, au Nicaragua et en République dominicaine, ainsi qu'en Haïti.

La Cour interaméricaine devrait rendre son jugement dans environ six mois.

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