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Trois semaines après la présidentielle contestée par les principaux partis d'opposition, le dépouillement d'élections locales tenues samedi a commencé au Nigeria.
La présidentielle a été remportée par le candidat du parti au pouvoir, Bola Tinubu, ses concurrents dénonçant des "manipulations". Un scrutin qui a déçu les nombreux Nigérians espérant un changement, alors que le président sortant Muhammadu Buhari doit céder la place en mai après deux mandats.
Le pays le plus peuplé d'Afrique, avec plus de 210 millions d'habitants, élisait samedi plus de 900 représentants des assemblées des Etats le constituant, ainsi que les gouverneurs de 28 des 36 Etats. Des élections partielles auront lieu dans les autres Etats à d'autres dates.
Les observateurs du centre civique Yiaga Africa ont noté "une amélioration importante dans la gestion de la logistique de l'élection" samedi, en dépit d'épisodes "d'intimidation d'électeurs et de harcèlement". Dans plusieurs localités, des individus ont tenté d'influencer les électeurs, notamment en détruisant du matériel électoral, selon les médias et les observateurs.
Les postes de gouverneurs sont importants au Nigeria, certains Etats ayant des budgets supérieurs à d'autres nations africaines.
Lagos, le centre économique du pays, est le théâtre de l'une des élections les plus serrées pour le poste de gouverneur, entre le sortant Babajide Sanwo-Olu, candidat du parti au pouvoir (APC), Gbadebo Rhodes-Vivour, du Parti travailliste (LP), et Olajide Adediran, du principal parti d'opposition (PDP).
Pour la première fois en deux décennies, la bouillonnante mégapole de 20 millions d'habitants pourrait échapper à l'influence du nouveau président contesté Bola Tinubu, son "parrain" historique, pour être dirigée par l'opposition.
Babajide Sanwo-Olu, candidat à un second mandat, est souvent qualifié de "marionnette" de M. Tinubu dans la presse.
- "Besoin de sang frais" -
Mais la mainmise de ce dernier "pourrait prendre fin" alors que "Lagos se prépare à une élection historique", a souligné Yusuf Omotayo, dans l'éditorial du magazine politique The Republic.
Dans le quartier huppé d'Ikoyi à Lagos, les bureaux de vote avaient ouvert tôt samedi matin. "Nous espérons que cette élection sera l'une des meilleures élections", a lancé Sukiman Abubakar, 52 ans, qui travaille dans l'immobilier.
Dans les quartiers populaires, la sécurité avait été renforcée. Un journaliste de l'AFP a vu des véhicules blindés à Iyana-Ipaaja et Abulegba, des zones de l'Etat de Lagos où des violences sont possibles. Fausat Balogun, 46 ans, s'est rendu devant le bureau de vote dès 06h00 (05h00 GMT). "Nous avons besoin de sang frais à Lagos. Les vieux politiciens nous ont trompés", a-t-il accusé.
D'autres élections serrées avaient lieu dans les Etats de Rivers (sud) et Kano (nord). Celui d'Adamawa (nord-est) pourrait élire la première femme gouverneure.
Un facteur décisif sera la participation, beaucoup d'électeurs pouvant décider de ne pas voter en raison des résultats contestés de la présidentielle.
La plupart des Etats sont actuellement gouvernés par l'APC ou le PDP, seul l'Anambra (sud) étant contrôlé par un autre parti, l'AGPA.
Lors de la présidentielle du 25 février, Bola Tinubu a obtenu 8,8 millions de voix pour succéder à Muhammadu Buhari, contre 6,9 millions à Atiku Abubakar du PDP, et 6,1 millions à Peter Obi du Parti travailliste, candidat surprise de la jeunesse urbaine et connectée.
Le scrutin a été marqué par de graves défaillances techniques et de nombreux retards dans la transmission électronique des résultats, provoquant l'ire d'une partie des électeurs qui a crié à la fraude.
A Kano, la plus grande ville du nord, des électeurs notaient des améliorations samedi.
"Le scrutin a commencé à 8h30... C'est plutôt ordonné et les files d'attente ne sont pas aussi longues qu'à la précédente élection", a dit à l'AFP Ahmad Awwalu, un mécanicien de 27 ans.
Mais des malfrats sont venus dans plusieurs bureaux de vote de Kano pour tenter d'intimider les électeurs et parfois détruire le matériel électoral, selon des médias locaux et des observateurs électoraux.
Des achats de voix ont également été signalés dans au moins huit Etats, selon Yiaga Africa.
Violences électorales et achat de voix sont récurrents au Nigeria.
"Si on vous offre de l'argent, vous pouvez le prendre mais votez selon votre conscience", a déclaré le président sortant Muhammadu Buhari après avoir voté dans sa ville natale de Daura (nord).