"On peut rire de tout", mais avec "respect", assure l'humoriste Haroun, qui vient de s'installer avec sa "fausse candeur" au théâtre parisien Edouard VII.
"Les gens rient beaucoup de choses très cruelles entre eux. Et on a l’impression qu’on n’a plus le droit dès que c’est médiatisé", souligne Haroun dans un entretien à l'AFP. "Tout le monde est prêt à rire de tout, à partir du moment où on respecte les personnes", assure-t-il.
Le sniper à l'allure de premier de la classe, petites lunettes sur le nez, jongle pourtant dans son spectacle "En Vrac" avec des sujets brûlants, tartinés de son humour noir.
Haroun aborde le voile islamique, l'antisémitisme, l'islamophobie, la délation ou Patrick Balkany, comme dans "Pas que", un sketch extrait de son dernier spectacle qui a fait le tour des réseaux sociaux.
L'humoriste de 35 ans a explosé après un passage au Jamel Comedy Club et un spectacle remarqué sur les élections en 2017. Il a depuis traversé la France avec son spectacle, qu'il présente à Paris jusqu'au 2 février 2020, puis à Montpellier, Rennes ou Strasbourg.
Haroun a grandi dans l'Essonne (et garde le mystère sur ses origines) avant d'atterrir dans une école de commerce et de passer - très rapidement - dans une entreprise d'audioguides ("je n’arrivais pas à tenir en place", souffle-t-il).
Admirateur de Coluche, de Pierre Desproges et des Monty Pythons, mais aussi passionné de danse, voulant se rapprocher de la scène, il anime ensuite des formations en entreprise basées sur l'art de l'improvisation. Et se lance en solo en 2013.
- Perdre avec panache -
Haroun dit nourrir ses sketches de ses lectures, "de la sociologie, de la philosophie", ou des romans, comme en ce moment Murakami ou "La place" d'Annie Ernaux.
"J’ai construit un personnage qui accepte de se tromper, d’être intelligemment idiot", explique l'humoriste. "C’est important de se mettre dans un état où on est celui qui perd. C’est ce que font très bien les Anglais: ils perdent avec panache".
Celui qu'on compare parfois à Gaspard Proust, pour les sujets d'actualité qu'il aborde, s'interroge sur la "représentation" de certaines identités sur scène.
Pour une série du média Brut, Haroun a discuté avec un champion paralympique, une journaliste d'origine vietnamienne et le directeur d'un site LGBT. Haroun assure désormais qu'on peut rire de tout, "tant qu’on sait de qui on se moque".
"Se moque-t-on des faibles ou des forts ? Personne ne rigole quand on se moque d’un faible, de quelqu'un qui s'est déboîté l'épaule", par exemple. "Le plus drôle", selon l'humoriste, "c’est de se moquer du puissant, de le faire tomber de son piédestal".
Haroun se dit cependant "gêné" par l’omniprésence d'humoristes sur les plateaux, parfois placés dans une position d'"éditorialiste".
"Les comedy clubs, c’est bien, les gens viennent pour voir de l’humour. Mais dans une émission politique..." soupire Haroun. "Est-ce que c’est à nous de défendre une cause ou de dire qu’il faut faire, autour de problèmes très complexes ? Je ne pense pas. On est là pour écrire des blagues, on n'a pas le temps de connaître tous les tenants et les aboutissants".
Amoureux de la scène, Haroun refuse d'ailleurs de faire des chroniques, à l'inverse de nombreux collègues: "Je ne maîtrise pas qui est devant moi, et il faut absolument adopter un rythme pour faire comprendre que c’est une vanne, parce que les gens sont à moitié dans leur truc", soupire l'humoriste.
Dans sa soif d'indépendance, Haroun a aussi lancé sa propre plateforme sur internet, "Pasquinade", où on peut payer "au chapeau".
Haroun reconnaît qu'il a "besoin des GAFA", mais l'idée de Pasquinade est de "rémunérer un peu plus l’artiste que sur d'autres réseaux". Il veut aussi éviter que ses sketches ne vivent "entre une vidéo complotiste et des chats", et que "des gens qui n’ont pas envie de nous voir... nous voient quand même et deviennent assez agressifs".