A 7h du matin, en plein mois de novembre, il fait encore noir à la caserne de Heverlee, près de Louvain. Des lumières éclairent des tentes beiges installés sur le tarmac. Des jeunes soldats vêtus de leur tenue militaire discutent. C’est un jour important pour eux. Ils sont vingt-cinq à participer à la première journée de sélection des forces spéciales de l’armée belge.
"Cela fait plus de deux ans que j’attends d’être ici"
"Cela fait plus de deux ans que j’attends d’être ici", confie Pierre. Ce technicien en aviation est partagé entre pression et excitation. "On va donner le maximum et voir jusqu’où on peut aller", ajoute-t-il.
Organisée chaque année, la sélection est intense et très longue. Une sorte de stage qui dure six mois. Les civils ne peuvent pas s’inscrire. Il faut déjà avoir de l’expérience en tant que militaire au sein de la Défense. "Quand ils sont en ordre au niveau administratif, les candidats intéressés doivent ensuite passer des tests médicaux, physiques et psychologiques à l’hôpital royal militaire", explique Quentin, un des instructeurs.
En cas de réussite, ils peuvent participer à cette fameuse sélection. Le programme est chargé. Les candidats doivent passer de nombreuses épreuves physiques qui testent leur résistance. Leur mental est également évalué. Responsable, flexible, innovant, autonome, réactif : ces militaires doivent posséder des compétences intellectuelles spécifiques.
Premier test: la Bergham Run, une course avec un sac à dos
Le tout premier test est bien connu. Il s’agit de la Bergham Run, une course de 8km avec un sac à dos de 20 kilos sur le dos. Devant la caserne, nos 25 candidats se préparent. Equipés de leur pantalon et leurs bottines militaires, ils commencent par s’échauffer avant de se réunir pour écouter les consignes. "Attention pas de montre. Vous devez respecter le timing de 50 minutes maximum", rappelle John, instructeur de sport au sein des forces spéciales.
Chaque sac à dos est pesé pour vérifier le poids réglementaire. Ensuite, toutes les 30 secondes, un nouveau candidat s’élance. C’est au tour de Pierre qui démarre à vive allure.
Ceux qui échouent doivent reprendre leur sac et retourner directement dans leur unité
L’enjeu est de taille car cette première épreuve physique est sélective. "Cela veut dire qu’ils doivent la réussir. Ceux qui échouent doivent reprendre leur sac et retourner directement dans leur unité d’origine", explique Quentin.
C’est le cas pour une personne qui doit quitter la caserne en début d’après-midi. Les autres continuent sans connaître leur timing. "Tant que je suis là, c’est que ça va", souligne un jeune paracommando.
Mais nos candidats ne sont qu’au début. S’ils veulent aller plus loin, ils vont devoir se surpasser. Au fil des semaines, la sélection s’intensifie. Il y a toujours des tests physiques mais également des épreuves plus théoriques pour évaluer notamment leurs connaissances militaires. C’est difficile de tenir le rythme. Et il y a toujours une part de mystère dans le planning.
Autre épreuve redoutée: une marche glaciale de 48h dans les bois
Fin janvier, deux mois après la Bergham Run, nous retrouvons nos soldats et leurs instructeurs en région liégeoise. Ce soir, dans notre reportage, vous allez découvrir combien de stagiaires sont encore présents. Vous risquez d’être surpris.
Dans le froid et le noir, ces militaires s’équipent avant de participer à une autre épreuve redoutée : la Tenderfeet. Cette marche solitaire au milieu des bois est légendaire. "Pendant 40 à 48 heures, ils vont parcourir à vol d’oiseau une centaine de kilomètres en utilisant tous les types de cartes sur lesquels ils se sont entraînés. La distance parcourue dépend de leur capacité à trouver le chemin le plus adéquat", précise Quentin.
Qui va réussir à affronter des températures glaciales, de naviguer sans se tromper et d’arriver au point de rendez-vous final dans les temps ? Le suspense est de taille. Ces stagiaires sont en tout cas toujours très motivés. Tous rêvent de pouvoir intégrer cette unité d’élite de l’armée belge.
"C’est un métier attrayant qui intrigue et fascine"
Mais ils savent que le chemin est encore long. Après la sélection, il faut suivre une formation d’un an avant de pourvoir devenir opérateur des forces spéciales. Une profession hors du commun. "C’est un métier attrayant qui intrigue et fascine. Mais le recrutement reste compliqué. Il faut tenir le coup. Après les six premiers mois, on va leur transmettre un bagage technique et tactique. On leur apprend le métier avec des techniques assez compliquées", explique le lieutenant-colonel Raphaël Bechet, commandant du Special Forces Group. "En tout cas, les besoins sont là. On a prouvé notre relevance au niveau de l’Etat et de la Défense", ajoute le commandant.
Depuis plus de 20 ans, cette unité d’élite joue en effet un rôle important au sein de l’armée belge. Sa spécificité est d’utiliser des moyens et des tactiques non-conventionnelles. Elle peut déployer des petites équipes mobiles à tout moment partout dans le monde.
Trois types de missions
L’objectif de ces opérateurs hautement qualifiés est de réaliser des missions très ciblées. "Il y a trois types de missions. Tout d’abord, la reconnaissance spéciale. On va employer des moyens technologiques, d’observation, de camouflage spécifiques aux forces spéciales pour aller faire de la reconnaissance dans le cadre d’un conflit majeur mais aussi dans certaines villes ou milieux en fonction du besoin. On a également l’assistance militaire à un partenaire étranger qui pour des besoins opérationnels nous demande de l’appuyer. Et la troisième mission, c’est l’action directe. Le cas le plus connu est la récupération d’otages à l’étranger ou la neutralisation d’une cible ou d’une menace potentielles", énumère le lieutenant-colonel.
Les forces spéciales sont notamment intervenues en Irak, en Afghanistan et au Niger. Comme ce sont des activités militaires sensibles, l’identité des opérateurs doit être préservée. Nous avons rencontré plusieurs de ces mystérieux opérateurs. Chacun possède une ou plusieurs spécialisations : sniper, expert en communication, spécialiste médical ou encore chef d’équipe.
"Breacher", une spécialisation peu connue et intrigante
Il y a aussi un profil moins connu et très intriguant : breacher. Aucune porte ne lui résiste. Cette personne va être chargée par ses équipiers ou par l’échelon supérieur de créer un accès pour permettre une entrée quelque part. "Cela peut être l’entrée dans un véhicule, dans une maison, par la porte, la fenêtre. Cela peut être accéder à l’intérieur d’un bateau, si c’est pour une opération de contrôle maritime. C’est un terme assez générique qui reprend différentes actions", précise Quentin qui joue ce rôle.
La personne cible ne s’en rendra jamais compte
Dans le reportage, il dévoile une gamme d’outils et de machines utilisée par les breachers pour s’infiltrer partout. En fonction de l’urgence et des besoins spécifiques, ils se permettent ou pas de laisser des traces. Par exemple, dans la gamme douce et discrète, il y a un outil pour copier des clés à l’insu de la personne cible. "On va la suivre, se procurer ses clés et les copier. Mais elle ne s’en rendra jamais compte", assure Quentin. En dernier recours, le breacher va utiliser les explosifs. "C’est la manière la plus expressive mais aussi la plus dangereuse", souligne l’opérateur qui a déjà beaucoup d’expérience.
Pour rester au top et améliorer leurs connaissances, ces soldats d’élite continuent de s’entraîner en permanence, aussi bien en Belgique qu’à l’étranger.
Conscients des risques inhérents à leur métier, tous mènent une vie professionnelle intense et exaltante. "On ne fait pas ça pour l’argent ou la prime. C’est un métier de passion qui demande beaucoup de temps. C’est minimum six mois par an à l’étranger", confie Haddock, un opérateur de 33 ans.
"Les forces spéciales belges", ce jeudi 24 février à 19h50 dans le magazine Tout s'explique sur RTL TVI.

