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"Plus rien à perdre": dans l'ex-bassin minier, la tentation "d'essayer autre chose"

"Plus rien à perdre": dans l'ex-bassin minier désindustrialisé du Nord/Pas-de-Calais, miné par la pauvreté, le rejet d'Emmanuel Macron poussera nombre d'électeurs de gauche à s'abstenir ou voter blanc, voire glisser un bulletin RN dans l'urne.

"Je ne voterai ni Macron, ni Le Pen. Même si elle passe, la situation ne pourra pas être pire", lâche Michel Jakobczak, 76 ans, entre les étals du marché de Lens (Pas-de-Calais). Après avoir "voté Mélenchon", avec l'espoir d'éliminer le président "dès le premier tour", ce retraité "désespère".

"Macron, c'est un menteur, manipulateur, qui prend les gens pour des imbéciles", peste-t-il. Et si la candidate du RN Marine Le Pen l'emporte, "on aura au moins réussi un truc: l'éliminer".

Dans cette ville de 31.600 habitants surplombée par la silhouette noire des terrils, près d'un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté, et 28,8% sont au chômage. Marine Le Pen y a remporté 39,7% des suffrages au premier tour, devant Jean-Luc Mélenchon (22,6%), le président sortant se classant troisième (20,8%).

"Tout est trop cher. Macron a bouffé le Code du travail. On ne fait que nous retirer des choses, on est mal logés, ils sont pas foutus d'agir. Ni l'un, ni l'autre", tranche aussi avec colère Astrid Druelle, ex-employée de boulangerie "arrêtée" après un accident.

- "Petit peuple" -

A Avion, bastion communiste en périphérie de Lens, Damien Szymczak, 34 ans, hésite toujours "entre vote blanc et barrage à Le Pen". "Macron est hautain, méprisant, vient des hautes sphères et n'en a rien à faire du petit peuple", déplore cet électeur "insoumis", qui pointe un "mauvais" bilan social du quinquennat.

Rolland Béhague, ancien mineur de 73 ans adhérent du PCF, suivra lui la ligne du parti. "L'extrême droite, le racisme, c'est non. Je vais mettre Macron", même si ce n'est "pas par conviction".

Mais dans la petite ville communiste de Raismes, près de Valenciennes, où Emmanuel Macron n'a obtenu que 14,7% des voix au premier tour, beaucoup d'affiches du président-candidat ont été arrachées des panneaux électoraux. Le visage de Marine Le Pen trône seul.

Dans son lotissement derrière les entrepôts d'Alstom, Nathalie, agent d'entretien de 50 ans qui ne veut pas donner son nom, "communiste depuis toujours", se dit "tiraillée".

"On en parle tous les soirs à la maison, on va sûrement en pleurer. En 2017 on disait +tout sauf Le Pen+, mais aujourd'hui, j'ai l'impression qu'elle défend les pauvres, l'égalité des classes, alors que Macron c'est +tout pour les riches+. Ici le territoire souffre. On se dit +faut essayer autre chose+".

- "Une chance de gagner" -

David, ouvrier des travaux publics de 48 ans, qui refuse aussi de donner son nom, "votera Le Pen", après avoir soutenu Mélenchon. "Depuis des années on est dans la merde. On n'a plus rien à perdre. Marine a l'air d'avoir changé, elle parle du pouvoir d'achat, des pauvres. Je veux voir ce que ça donne".

"Je suis maman célibataire, avec deux enfants, et Macron voudrait que je bosse 20 heures par semaine pour avoir mon RSA", soupire Amandine Wallerand, 29 ans, près du marché d'Anzin. Après avoir "soutenu Mélenchon en 2017", elle a "voté Marine cette fois. Pour avoir une chance de gagner".

Mais Rami Abdeen, commerçant de 31 ans d'origine algérienne, craint lui "l'arrivée au pouvoir de cette candidate xénophobe". "Les gens pensent au gasoil, aux prix de l'alimentaire, mais ils oublient qui elle est: quelqu'un qui va diviser".

Pour Fabien Roussel, député de la 20e circonscription du Nord, si le désespoir et la colère sont forts dans cette "terre ouvrière", la proposition macroniste de retraite à 65 ans est "celle qui explique le plus la réticence d’électeurs de gauche, républicains, à utiliser le bulletin Macron pour battre Le Pen", malgré "le danger qu'elle représente". "Macron doit la retirer", tranche-t-il.

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