Accueil Actu

Réservé aux hommes, un slogan qui passe de moins en moins en Corée du Sud

Dans sa quête d'emploi, Casey Lee, une Sud-Coréenne de 25 ans diplômée de l'université, est confrontée depuis plus d'un an à des questions contradictoires et extrêmement personnelles sur sa vie privée.

"Une entreprise m'a demandé si j'avais un petit ami et quand j'allais me marier", raconte-t-elle à l'AFP. "Une autre m'a demandé pourquoi je n'avais pas de petit ami, si les gens comme moi, n'ayant aucune envie de se marier rapidement, ont un problème de personnalité et si on pouvait leur faire confiance".

Le monde sud-coréen de l'entreprise est dominé par les hommes. Plusieurs sociétés ont été surprises en train de favoriser le recrutement masculin pour que les choses restent en l'état.

Le premier intervieweur de Mme Lee s'est plaint que les femmes quittent leur emploi une fois mères, le deuxième a dénoncé "ces jeunes irresponsables" qui renoncent à leur devoir de faire des enfants "pour l'avenir du pays".

"Je voulais hurler, +Mais je suis là simplement pour trouver un boulot!", dit-elle. Les candidats masculins étaient rarement soumis à de telles questions personnelles, ajoute-t-elle.

Casey Lee recherche toujours un poste malgré son diplôme de l'université Seokyeong de Séoul. Mais elle n'est pas un cas isolé.

Trois des quatre plus grandes banques sud-coréennes ont été accusées d'établir des quotas de recrutement hommes/femmes et d'abaisser les scores réalisés aux tests d'embauche par les candidates tout en relevant les notes des candidats.

Dix-huit cadres ont été inculpés ou condamnés, dont le président du Shinhan Financial Group, deuxième prêteur du pays.

- Double fardeau -

La semaine dernière, la Cour suprême a confirmé à condamnation à quatre ans de prison de l'ex-PDG de l'entreprise publique Korea Gas Safety (KGS), Park Ki-dong, pour avoir reçu des pots-de-vin et discriminé des femmes à l'embauche.

En dépit de son avance économique et technologique, la 11ème économie mondiale est une société patriarcale.

Seul 2,7% des 15.000 cadres dirigeants des 500 plus grandes entreprises sont des femmes, selon une étude gouvernementale publiée en 2017.

Les écarts salariaux entre hommes et femmes, de 36,7%, sont les plus élevés des pays de l'OCDE.

Les postes dans les entreprises publiques comme KGS sont très recherchés car il s'agit d'emplois à vie. Mais sur instruction de M. Park, sept candidates qualifiées, dont l'une était arrivée première aux tests parmi 31 finalistes, avaient été éliminées au profit d'hommes moins performants.

L'ancien PDG a "exclu des femmes sans raison légitime en ordonnant à ses subordonnés de trafiquer les résultats des tests, portant gravement atteinte à la confiance sociale", dit l'arrêt de la Cour suprême. L'intéressé considérait les congés maternité comme une entrave à la bonne marche de l'entreprise.

Les Sud-Coréennes mariées, qu'elles travaillent ou non, sont censées s'occuper seules du foyer et des enfants. Ce double fardeau est considéré comme la cause principale du taux de natalité le plus faible au monde.

De nombreuses femmes quittent leur emploi une fois mères, ne pouvant assurer leur double journée. Les structures d'accueil de la petite enfance sont rares tandis que les journées de travail sont très longues.

De manière générale, les procédures d'embauche sont hyper concurrentielles, encore plus dans le secteur bancaire synonyme de carrière potentiellement lucrative.

- "Fumer et boire" -

Cho Yong-Byoung, président du Shinhan Financial Group, vient d'être inculpé de discrimination pour avoir ordonné à ses subordonnés de maintenir un ratio de 3 pour 1 dans les embauches d'hommes et de femmes.

D'après le régulateur, la KEB Hana Bank, quatrième établissement financier du pays, avait fixé un ratio de 4 pour 1 mais fini par embaucher 5,5 hommes pour chaque femme recrutée.

Sept des cadres de la banque sont actuellement en procès. L'un d'eux a expliqué à l'audience que la clientèle à majorité masculine de l'établissement "se sent plus à l'aise" avec du personnel masculin "qui peut fumer et boire plus facilement".

Les peines peuvent cependant rester symboliques.

Trois managers de KB Kookmin Bank, la première du pays, ont été condamnés le mois dernier à du sursis pour avoir abaissé les notes de 112 candidates et remonté celles de 113 candidats.

"Les prévenus méritent d'être critiqués pour avoir changé le destin de nombreuses candidates et de leur avoir causé un tel sentiment de trahison et de désespoir", a relevé le tribunal. Mais la responsabilité personnelle des prévenus était limitée car ils ne faisaient "qu'appliquer les normes sociales".

La banque a elle écopé d'une amende maigrelette de cinq millions de wons (4.000 euros).

"Les Sud-Coréennes se battent à armes très inégales sur un terrain qui ne semble pas avoir changé depuis des décennies", juge Bae Jin-kyung, présidente de l'Association des travailleuses coréennes.

À lire aussi

Sélectionné pour vous