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Venezuela: visite très guidée au coeur d'un bastion chaviste pour les 30 ans du coup

"Ici, on ne dit pas de mal du commandant Chavez". Inscrit sur les murs d'un des quartiers pro-Chavez de Caracas, le message ne laisse pas de place au doute : on entre à la Piedrita, où l'ancien président est vénéré comme une figure biblique.

"Santo Hugo Chavez de la Piedrita" peut-on lire au-dessus d'un photomontage où le "Commandante", au pouvoir de 1999 à 2013, figure aux côtés du Christ, devant une sorte d'autel où trône son buste.

"Certains le voient comme un saint", concède Valentin Santana, 58 ans, figure chaviste et fondateur du Colectivo de la Piedrita, qui régit la vie de ce quartier pauvre.

La Piedrita appartient au grand ensemble du 23 février, une zone populaire de l'ouest de Caracas, où se trouve le mausolée d'Hugo Chavez dans la "caserne de la montagne".

C'est depuis cette caserne que le lieutenant-colonel avait dirigé il y a 30 ans le coup d'Etat du 4 février 1992, le "4F", érigé par les autorités en "Journée de la dignité" dont l'anniversaire a donné lieu vendredi à une célébration télévisée en grande pompe.

Le coup a échoué, mais a rendu célèbre Hugo Chavez qui avait lancé dans une bravade restée célèbre : "Nous n'avons pas, pour le moment, atteint les objectifs". Six ans plus tard, il était élu président, puis réélu jusqu'à 2012 avant de mourir d'un cancer en 2013.

"Chavez n'est pas mort", corrige aussitôt Valentin Santana qui a donné son feu vert à l'AFP pour une visite guidée du quartier où il est impossible de se rendre sans escorte. "Il est dans les veines des pauvres. Il court dans notre sang".

Point de départ, un mur blanc que des artistes décorent d'un portrait de Chavez et du slogan "30 ans, la lutte continue". Une sono, poussée à fond, délivre des chansons révolutionnaires comme "Bella ciao", "No pasaran".

Premier arrêt à flanc de colline, une placette et des portraits de Chavez à tous les âges: enfant, adolescent, cadet, président et le jour du "4F".

En rouge, sur la façade: "Allez vous lavez le cul, yankees de merde ici il y a un peuple digne".

- Zéro drogue -

Traditionnellement hostile aux socialistes, Washington entretenait des relations tendues avec l'ex-président vénézuélien et cherche à évincer son successeur Nicolas Maduro du pouvoir. Celui-ci accuse régulièrement les sanctions économiques américaines d'être responsables de la grave crise économique du pays.

A droite, deux autres fresques "religieuses": Jésus Christ et sa couronne d'épines... armé d'une Kalachnikov, une Vierge à l'enfant avec un fusil dans la main droite. Au-dessus: "Nous vivrons, nous vaincrons"

L'ascension se poursuit avec l'autel consacré à Chavez. Sur les parois latérales des photos attendues de Fidel Castro, Che Guevara mais aussi du général iranien Qassem Soleimani, tué par les Américains en 2020.

"Russie, Chine, où qu'ils soient, ceux qui luttent contre l'impérialisme sont des Bolivariens", commente Valentin.

On arrive ensuite à la boulangerie. Ornée de photos de Chavez, Yasser Arafat ou Castro, elle est tenue par Silvia Garcia, masque anti-covid décoré avec les yeux de Chavez. Derrière elle, toute une littérature chaviste.

"Je pleure Chavez tous les jours. Nous devons défendre cet héritage. Nous restons debout malgré le blocus (sanctions américaines). Nous vaincrons !", affirme-t-elle.

"C'était une pierre sur le chemin, le début de la liberté et du socialisme au Venezuela", estime Roberto Escalona, forgeron, dans son atelier où trône un immense portrait de Chavez, malade, croix dans la main, quelques mois avant sa mort.

Le quartier compte aussi un soupe populaire, un refuge pour des malades atteints de pathologie graves, et un dispensaire géré par la docteure cubaine Elizabet Acosta Gandarilla, dans le cadre de la coopération. "On nous enseigne à suivre les pas du Che", dit cette volontaire.

"Ici, zéro trafic, zéro drogue, zéro tapage nocturne", assure Mario Ganaga, d'un organe national des collectifs.

Dans ce pays à la forte criminalité où le trafic de drogue fait des ravages, la zone du 23 février, gérée par les collectifs de civils souvent armés, fait figure d'havre de paix.

Officiellement, ils défendent les citoyens contre la criminalité et protègent la "révolution bolivarienne", mais l'opposition et des ONG les accusent d'être des paramilitaires au service du pouvoir.

"Tout le monde est heureux ici !", assène Valentin. "Parlez à qui vous voulez".

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