À cause d'une scoliose, Essam est déclaré "inapte" à devenir policier : "Un spécialiste déclare pourtant que ça ne pose pas de problème"

Essam, un jeune Liégeois de 23 ans, est un sportif aguerri. Ayant pratiqué l'athlétisme et le football durant plusieurs années, le jeune homme continue de s'entretenir physiquement en allant courir et en faisant de l'exercice plusieurs fois par semaine. Car, hormis les performances sportives, Essam a un rêve depuis toujours : entrer dans la police et pouvoir servir la population.

Après une 7e année sécurité brillamment passée, il se lance donc dans son objectif de rentrer dans la police liégeoise. "J'ai passé tous les tests avec succès : physique, psychologique, cognitif. Aucun problème. Seulement, lors de la visite médicale, on m'a recalé", explique-t-il toujours aussi déçu. La cause ? Une légère scoliose qu'Essam a depuis son adolescence.

C'est vraiment frustrant, car on m'a dit que j'avais un bon profil

Et pourtant, le jeune homme est en parfaite santé. "Je me sens parfaitement en forme, je n'ai aucun problème, je n'ai même pas mal au dos, c'est simplement une petite déformation de la colonne vertébrale", précise-t-il. "Mais selon la médecine du travail, c'est un frein et donc une raison pour me recaler".

Ce qui est d'autant plus frustrant pour Essam, c'est qu'une spécialiste lui a donné son aval. "Je suis allé voir une spécialiste qui, après plusieurs examens, a spécifié que malgré cette légère scoliose, je pouvais prétendre à rentrer à l'académie de police. Mais visiblement, pour un "simple" médecin du travail, ce n'est pas le cas", peste-t-il. De plus, les examinateurs avaient également de jolis mots pour lui : "Lors des tests, on m'a dit que j'avais vraiment un bon profil pour la police, que c'était ce qu'ils recherchaient".

D'après le document qui regroupe les normes médicales et les critères d'exclusion de la police, les cas de scoliose "peuvent mener à l'inaptitude". Ici, c'est bien le verbe "pouvoir" qui gêne Essam, qui n'est donc pas un critère strict et qui peut varier d'une personne à une autre. En effet, sa scoliose, qu'il a traitée avec un corset durant sa jeunesse, ne s'aggrave plus et est stable depuis 2018. "Ça ne se voit même pas et ça ne me handicape aucunement. C'est donc d'autant plus frustrant de se voir être refusé, d'autant plus que les tests physiques se sont déroulés sans aucun problème".

Un recours au Conseil d'Etat

Pas résigné pour autant, celui pour qui la police a toujours été un objectif garde espoir d'avoir gain de cause devant les tribunaux. "On entend toujours que la police recrute, qu'elle cherche du monde. Et ici, je suis recalé pour une petite scoliose. Je ne perds pas espoir, je compte aller devant le Conseil d'Etat pour pouvoir continuer mon aventure. Je serai évidemment déçu si je n'y arrive pas, car pour l'instant, je n'ai pas d'autres alternatives".

"Ce qui est sûr, c'est que pour rentrer à l'Académie de Police, il faut être motivé à 200 %, parce que sinon on n'y arrive pas", conclut-il. Et en effet, d'après la police fédérale, en ce qui concerne les candidatures d'entrée pour la police opérationnelle, seulement 17 % des candidats inscrits iront jusqu'au bout du processus.

"Les fonctionnaires de police doivent être en bonne condition physique"

Pourtant, pour le président du syndicat libéral SLFP Police, ces critères médicaux, bien que strictes, sont nécessaires. "Dans le cas de ce jeune homme, c'est normal d'être frustré", admet Vincent Gilles, président du SLFP Police. "Cependant, il faut des critères stricts. Il a une légère scoliose, et il est recalé ; s'il avait raté légèrement les tests physiques, il aurait été également recalé", note-t-il.

Une scoliose ne peut pas supporter un gilet pare-balles de 8 kg pendant 8 heures

"Ces critères sont importants et doivent être précis, car les fonctionnaires de police doivent être en bonne condition physique et ne pas présenter des maladies professionnelles durant leurs carrières, c'est en tout cas l'objectif".

Pour illustrer son propos, Vincent Gilles prend l'exemple du gilet pare-balles, élément indispensable de l'attirail policier. "Si un agent doit porter un gilet, qui pèse facilement 8 kg, pendant 8 à 10 heures de suite, une scoliose ne peut pas, à long terme, endurer ça, cela pose un problème".

Et c'est d'ailleurs ce point que soulève dans son rapport le médecin du travail ayant ausculté Essam : "Un policier doit toujours porter son gilet pare-balles et le ceinturon. Ce matériel occasionne une charge constante et continuelle sur le dos", note-t-elle.

Ces normes, qui datent des années 90, "mais qui évoluent en fonction du travail du policier", sont pour le syndicat une assurance de fiabilité. "On ne cherche pas l'élitisme, mais on cherche simplement des profils qui siéent à un profil qui a été étudié en fonction du travail d'un agent de police".

Le son de cloche est le même du côté de la police fédérale, qui s'est exprimée par l'intermédiaire de son porte-parole, Régis Kalut. "Ces critères médicaux sont destinés à ce que le candidat soit bien dans son travail et qu'il ne représente pas un risque pour son bien-être. Il faut le candidat, soit à même de pouvoir travailler dans des positions inconfortables, pendant de longues périodes par exemple".