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L'abbaye de Solesmes, royaume du chant grégorien, fête ses mille ans

Fidèles au voeu de modération prôné par Saint-Benoît, les moines bénédictins de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes (Sarthe), capitale mondiale du chant grégorien, célèbrent cette année son millénaire dans le recueillement et sans apparat.

Pour l'occasion, les religieux ont enregistré un disque, "Solesmes 1010-2010 - Le millénaire" et édité un livre, "Mille ans d'histoire à l'abbaye de Solesmes", rédigé par l'un d'entre eux. La communauté s'apprête également à participer au printemps à des rendez-vous religieux et culturels, consacrés au chant grégorien.

"Notre congrégation est plutôt contemplative", explique Paul-Alain Rochon, moine chargé de la communication de l'abbaye, souriant dans son épais froc noir à capuchon.

"La règle de Saint-Benoît est pleine de sagesse et de modération et le goût de la performance n'est pas proprement chrétien", ajoute-t-il.

Surplombant majestueusement la Sarthe qui serpente à ses pieds, le monastère, logé aux confins du Maine et de l'Anjou, a été fondé par Geoffroy Le Vieil, seigneur de Sablé.

A la Révolution, les moines sont dispersés. Mais en 1833, Prosper Guéranger, un jeune prêtre, redonne vie au monastère mais aussi au chant grégorien. Ce langage monodique, utilisé pour la liturgie catholique romaine depuis le VIIIe siècle, avait en effet été dénaturé à partir de la Renaissance, les maîtres de la polyphonie estimant ses vocalises passées de mode.

Aujourd'hui, 60 moines et six novices vivent à Saint-Pierre de Solesmes, entre prière, travaux domestiques, offices chantés sept fois par jour, recherche sur les manuscrits grégoriens et études des textes saints.

L'abbaye auto-édite disques et livres de chant et de spiritualité, activité dont elle tire l'essentiel de ses subsides - 300.000 euros de chiffres d'affaires en 2009, selon les chiffres fournis -.

"Les moines de Solesmes ont été les premiers, en 1958, à enregistrer ce chant" qui vise à l'épanouissement spirituel des fidèles, souligne Philippe Lenoble, maître de chapelle à la cathédrale du Mans et administrateur de l'Association des amis de Solesmes.

Jusqu'au début des années 1980, les moines enregistraient quasiment "un disque par an", précise-t-il.

La renommée de Solesmes attire de nombreux fidèles et touristes. "Il y a des lieux comme ça en France, des ports d'attache spirituels où on aime se reconnecter à des gens qui vous montrent le chemin", explique Philippe Galliot, 49 ans, qui a pris quelques minutes, pendant un déplacement professionnel, "pour assister à un office".

L'abbaye accueille annuellement 1.500 hommes pour une retraite, logés et nourris dans son hôtellerie tandis que les femmes, familles ou couples -soit environ 700 personnes- sont logés dans le bourg de Solesmes. Sans oublier près de 300 SDF dans son aumônerie.

A l'occasion du millénaire, les fidèles peuvent bénéficier jusqu'au 12 octobre de l'indulgence plénière. Cette "véritable rédemption de l'âme" exige de se rendre en pèlerinage à l'abbaye, d'y recevoir la communion, de se confesser "avec contrition" et de prier à l'intention du pape Benoît XVI.

"Cette grâce est gratuite, mais les gens n'aiment pas les choses gratuites, car un don de Dieu oblige et humilie. Et ça, les hommes n'aiment pas beaucoup", regrette Dom Rochon.

Le monastère a le rang d'abbaye et de chef de congrégation et la Congrégation de Solesmes est aujourd'hui présente en Europe, en Amérique et en Afrique avec 23 monastères de moines et huit de moniales.

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