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A Osve, village salafiste de Bosnie, "on vit en ligne avec la religion"

Au bout d'une route escarpée de montagne en Bosnie, deux femmes en niqab travaillent la terre pendant que des hommes rénovent une maison d'Osve, village habité par une communauté paysanne salafiste dont plusieurs membres sont partis en Syrie et en Irak.

"C'est comme ça qu'on finance le terrorisme", plaisante Izet Hadzic, 50 ans, en ouvrant son poulailler pour ramasser les oeufs dont il dit vivre.

Barbe grise, bouille ronde éclairée par un sourire fréquent, regard clair, cet ancien musicien de rock-metal a fondé dans les années 2000 cette "dzemat" salafiste, une de ces communautés de Bosnie qui refusent la tutelle des instances musulmanes officielles.

A l'appel à la prière, des voitures déposent hommes et garçons devant la maison qui fait office de mosquée, d'autres arrivent à pied. Izet Hadzic s'interrompt pour diriger la séance. Imam non désigné par le grand mufti de Bosnie, il a été condamné à une amende, selon l'universitaire spécialiste de l'islamisme radical bosnien, Vlado Azinovic.

Deux hommes souriants accompagnés de leurs fils sont juchés sur un tracteur hors d'âge, des femmes couvertes jusqu'aux mains promènent des petits, d'autres courent dans les champs pour échapper au regard des visiteurs. L'administration refusant d'ouvrir une école à Osve, chaque jour un bus conduit les enfants à Maglaj (nord), en bas de la route, explique Izet Hadzic.

Surplombant la vallée, cette "dzemat" offre le visage bucolique d'une communauté paysanne fondamentaliste vivant de son labeur, retirée du monde, comme une version musulmane d'un village amish.

- Pas de camp d'entraînement -

Nulle trace d'un camp d'entraînement jihadiste évoqué par des médias. Une assertion démentie par le chef de la police de l'entité croato-musulmane de Bosnie, Dragan Lukac: "Il n'y pas de campements militaires" en Bosnie, "pas d'entraînements, pas d'instructeurs". Une source diplomatique occidentale réfute également l'existence de tels camps.

Mais "un nombre significatif" de jihadistes bosniaques "ont, à un moment ou à un autre, vécu ou visité ces communautés salafistes comme celles de Gornja Maoca, Osve et Dubnica", relevait en 2015 le centre de réflexion basé à Sarajevo Atlantic Initiative.

"Deux familles nombreuses sont parties, une de onze membres, l'autre de six", concède Izet Hadzic. "Ce sont ceux qui me causaient le plus de problèmes. Ils m'ont déclaré mécréant, ont menacé de me tuer sur Viber et Facebook." Il assure avoir "empêché 90%" de sa communauté de partir et été "le premier à condamner l'Etat islamique".

"Ces gens me ressemblent physiquement (...), mais se comportent comme des sauvages", dénonce l'ex-musicien. Il raconte son conflit avec un habitant qui a hissé l'étendard de l'EI. Un peu plus tard, dans un café de Maglaj fréquenté par les salafistes, les deux hommes se croisent, sans un regard.

- L'amputation, "question complexe" -

Osve "a beaucoup fait parler d'elle pour avoir condamné l'Etat islamique. Mais les gens n'ont pas compris que (...) c'est parce qu'ils soutiennent le front al-Nosra", affirme Vlado Azinovic.

"A l'époque des départs, l'Etat islamique n'existait pas, les gens voulaient aider le peuple syrien", argumente Izet Hadzic.

S'il rejette la violence, son islam est aux antipodes de celui, libéral, de l'écrasante majorité des Bosniaques. Savoir s'il faut couper la main aux voleurs est "une question complexe" selon lui; la lapidation pour adultère ne peut être ordonnée que s'il y a "quatre témoins". "Pas trois, pas deux, pas un. Quatre", insiste ce vétéran du conflit inter-communautaire bosnien (1992-95).

Il affirme que son retour à la religion en 1998 après des années d'alcool et de rock'n roll ne se serait pas fait sous l'influence des moudjahidine afghans ou arabes.

A Osve, dans des maisons souvent désertées par les Serbes, d'autres Bosniaques l'ont rejoint, souvent originaires de la ville martyre de Srebrenica, où 8.000 hommes et garçons musulmans ont été tués en 1995.

Ils ont vécu des années dans l'indifférence mais le conflit syrien les met sous pression. Pourtant, dit Izet Hadzic, ils ne font rien que vivre pacifiquement en suivant "la loi islamique, la charia", dans un village où il n'y a "pas d'homosexualité et aucun crime commis depuis cinq ans". "Ici à Osve, nous essayons de vivre en ligne avec la religion."

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