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Inquiétude et écoeurement sur le site commun d'Alstom et GE à Belfort

"Que ce soit GE ou Siemens qui l'emporte, il y aura forcément des conséquences en termes d'emplois": sur l'immense site industriel de Belfort, où 2.600 salariés d'Alstom côtoient au quotidien un peu moins de 2.000 employés de General Electric, l'inquiétude le disputait mardi à l'écoeurement.

"Au début on était abasourdi, sans réaction. Maintenant, c'est plus l'indignation et la trahison qui est ressentie par les salariés", souligne Dominique Jeannenot, délégué CFE-CGC chez Alstom Power, la filiale du géant franc-comtois convoitée par le conglomérat américain GE et par l'allemand Siemens.

Fondé à la fin du XIXe siècle, le site belfortain s'étend sur des dizaines d'hectares. Alstom y produit des turbines à vapeur pour les centrales électriques ainsi que des locomotives, et General Electric des turbines à gaz.

"S'il faut choisir, GE serait la moins pire des solutions, car nos activités sont complémentaires. La casse sociale serait atténuée", estime M. Jeannenot.

"Mais les dirigeants de GE sont des financiers, en quête de rentabilité. Si ça ne marchait pas, ils pourraient tout fermer du jour au lendemain", s'inquiète le syndicaliste. "C'est lamentable qu'on en soit arrivé là, à brader un des fleurons de l'industrie française et laisser partir tous nos brevets aux Etats-Unis, tout ça parce que l'actionnaire Bouygues a voulu dégager de l'argent frais pour investir dans la téléphonie!" fustige-t-il.

A l'heure du déjeuner, salariés et syndicalistes d'Alstom comme de GE se retrouvent au restaurant d'entreprises "La Découverte", commun à l'ensemble du site industriel, pour y commenter les derniers développements de ce feuilleton économique et politique à l'issue incertaine.

Plantée entre un immense hangar de production aux couleurs d'Alstom et un bâtiment portant le sigle de General Electric, la cantine symbolise à elle seule l'étonnant destin de ce site industriel géant - où travaillent quelque 7.500 personnes en comptant les petites entreprises et les activités tertiaires.

- Cantine et oeuvres sociales communes -

En 1999, une partie des activités d'Alstom - la fabrication de turbines à gaz - fut cédée à General Electric. "Face à cette partition, les salariés ont tenu à conserver l'unité du site", se souvient Olivier Kohler, délégué CFDT chez Alstom Transports. "C'est pour ça qu'on a créé un comité inter-entreprises, qui gère en commun les oeuvres sociales, les voyages ou la cantine."

La perspective d'un rachat d'Alstom par GE pourrait-elle ramener cette unité perdue? "Non, car c'est une démarche malsaine, financière, et non pas un projet industriel cohérent qui tiendrait compte de l'avenir des salariés", tranche M. Kohler.

Du côté de GE, les syndicalistes estiment à ce stade n'être pas directement concernés par les tractations en cours. "Nous, on fabrique des turbines à gaz, Alstom n'en fait pas, donc un rachat ne changerait rien pour nous", suppose Karim Matoug, délégué CGT.

Pour autant, la pérennité de l'emploi chez GE Belfort n'est pas forcément assurée, souligne-t-il. "Tout dépend de nos carnets de commandes. Pour 2014, nous avons eu des assurances, mais après rien n'est jamais sûr", souligne M. Matoug. Il rappelle que l'entreprise a mis en place un plan de 69 départs volontaires cette année, après 139 l'an dernier. Et qu'une récente commande géante décrochée par GE en Algérie profitera à son usine de Greenville aux Etats-Unis, plutôt qu'à celle de Belfort.

Quant aux salariés d'Alstom affectés à l'activité "transport" - la fabricaton de locomotives, qui resterait en tous les cas dans le giron du groupe français - ils sont également inquiets.

"Siemens a promis, s'il remporte cette bataille, de nous transférer une partie de ses activités transport, mais ce qu'ils vont nous donner ce sont leurs vieilles casseroles: les trains à grande vitesse c'est pas facile à exporter, la demande est faible", craint M. Kohler.

"Et puis, vu le comportement inadmissible de notre PDG vis-à-vis de l'Etat, qu'est-ce qui nous dit qu'à l'avenir les entreprises publiques vont se tourner vers nous pour commander des trains ou des métros?" s'interroge-t-il.

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