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"Je l'ai vraiment vu devenir plus apathique et sombrer progressivement dans la désillusion, la démotivation." Les mots de Sophie résonnent comme un appel à l'aide. Cette maman de la province de Namur nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour évoquer la phase délicate que traverse son fils. Arnaud, 18 ans, est en plein décrochage scolaire. "Il a été diagnostiqué dans un état dépressif. Lui demander de se lever tous les matins, pour passer 8 heures à l'école assis sur une chaise, c'est aujourd'hui impossible", explique Sophie désespérée. Conséquence, il a abandonné sa rhéto.
Selon elle, la crise du Covid a accentué le mal-être de son fils qui s'est alors retrouvé en manque de repères. Une sensation confirmée par de récents chiffres qui démontrent que le phénomène du décrochage scolaire est en augmentation dans notre pays. "C'est une catastrophe. Il arrivait si près du but. Tout le projet d'après, des études, de l'avancée dans la vie… qu'est-ce qu'on fait à ce moment-là ?"
L'heure du diagnostic
L'une des pistes privilégiées par le système scolaire est de se tourner vers un centre PMS (Psycho-médico-sociaux). Ces structures ont été extrêmement sollicitées ces derniers temps : plus 30 % en an pour ces centres qui ne traitent pas uniquement du décrochage scolaire. Virginie Dreze est la directrice du centre de PMS libre de Braine l’Alleud. Elle nous en dit plus sur la prise en charge des jeunes en décrochage scolaire : "On va poser un diagnostic. Qu'est-ce qui fait que l'enfant en va plus à l'école ? Chaque fois, le diagnostic va nous aider à orienter le jeune vers d'autres services que les nôtres. On va parfois les orienter vers des AMO (Aides en Milieu Ouvert), vers des services de santé mentale, un psychologue ou un pédopsychiatre parfois."
Maurice Johnson-Kanyonga est justement psychologue. Il est spécialiste de l'enfant, de l'adolescent et du jeune adulte. Il a pour habitude d'exercer avec des jeunes en décrochage scolaire : "Même si l'école prend une part importante dans la vie, elle s'insère et complète des projets plus globaux", met-il en perspective. Le psychologue évoque les signes avant-coureurs chez les jeunes: "C'est d'abord une lassitude. C'est un décrochage progressif. Un arrêt dans les travaux scolaires, un manque d'investissement dans la scolarité." Des signes qui peuvent également se traduire par des absences ou des retards répétés. Le psychologue conseille l'évocation des projets les plus importants avec le jeune impacté, ses rêves mêmes. Avec ce procédé, la connexion n'est pas perdue.
La boule au ventre
Les centres PMS travaillent aussi étroitement avec des services d'accompagnement social. C'est le cas de "Promo Jeunes", à Bruxelles. L'ASBL offre la possibilité de participer à une panoplie d'activités pour les moins de 21 ans. Nous y retrouvons Brice, un travailleur social. Il est sur le point d'accueillir Walid. Comme Arnaud, Walid est en plein décrochage scolaire. Le jeune Bruxellois arrive en fin de parcours avec l'association et procède à un bilan avec Brice. "Le Covid m'a énormément détruit. Il ne faut pas se dire qu'un jeune, une fois en décrochage scolaire, est bien. Que pour lui tout va bien, il ne fait rien. Pas du tout. Moi, pendant mon décrochage scolaire, je n'étais pas du tout bien. J'avais la boule au ventre, car je n'allais pas à l'école."
Le plus important pour le jeune est de trouver sa voie
Son passage chez "Promo Jeunes" a permis à Walid de trouver sa voie. Son avenir, c'est l'informatique. "À l'époque, je n'étais pas fier de moi. Alors que là, je le suis", exprime-t-il non sans dissimuler un large sourire. Brice, celui qui a accompagné Walid, salut son parcours: "Ça fait plaisir de voir des jeunes, se développer, trouver leur voie et reprendre une formation qui va les mener vers une vie d'adulte."
Pour cet acteur de terrain, il faut avant tout être à l'écoute des jeunes en décrochage scolaire: "Il ne faut pas se mettre d'œillères et essayer d'écouter l'entièreté du récit du jeune. Ses attentes, ses envies. Le plus important pour le jeune est de trouver sa voie et d'avoir l'impression qu'une personne l'écoute. Il faut pouvoir épauler les parents en difficulté."