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Les faux de Geert Jan Jansen exposés au grand jour

Le peintre néerlandais Geert Jan Jansen expose au château de Zeist (centre des Pays-Bas) quelques uns des Picasso, Matisse, Gauguin, Botero, Appel... des faux "à la manière" des maîtres dont il a truffé les collections d'Europe et au delà jusque dans les années 1990.

"Aujourd'hui encore, plusieurs musées..." Prudent, le peintre ne termine pas sa phrase, préférant ne pas remuer "le passé".

Il l'a fait une fois, sans trop de détails, en racontant sa vie alors qu'il était en détention préventive à Orléans (France), après s'être fait pincer, en 1994, sur une malencontreuse faute d'ortographe dans un faux certificat d'authenticité.

Et malgré cette autobiographie il n'a jamais été condamné, faute de preuves.

Lors de son arrestation, 1.600 toiles ont été saisies. Toutes fausses, à quelques originaux près. Il a obtenu en justice de sauver sa collection de la destruction et de l'humidité du dépôt du commissariat d'Orléans.

Geert Jan Jansen, né en 1943, plutôt discret sous sa chevelure blanche clairsemée et derrière de petites lunettes de lecture, ne renie cependant pas sa réputation sulfureuse de "maître-faussaire du XXe siècle", et s'en sert pour attirer les curieux, voire les acheteurs.

Sa méthode n'a pas changée, mais aujourd'hui c'est sa propre signature qui vient parachever ses toiles.

A son heure de gloire, cet ancien étudiant en histoire de l'art --en peinture il est autodidacte-- se plongeait dans le style et... les lacunes dans les catalogues raisonnés des peintres qu'il aime.

"C'est indispensable que je les aime. Sans cela, je serais incapable de les imiter", explique-t-il.

Si à présent il peut librement reproduire des oeuvres, à l'époque il provoquait régulièrement une "découverte", qui secouait le monde (et le marché) de l'art.

Malgré son talent évident pour s'approprier la palette d'autrui, le métier de faussaire n'était pas facile, et dit-il, peu lucratif.

"Cela prend du temps et beaucoup d'essais pour une oeuvre crédible, et on ne peut pas en +découvrir+ une nouvelle tous les mois". Quant aux marchands, pas toujours dupes, ils lui promettaient de le payer à la prochaine toile, ou ne lui versaient qu'une fraction de la valeur prêtées aux oeuvres, affirme-t-il.

Les experts, incontournables lors de ventes aux enchères, lui ont beaucoup appris.

"Je leur présentais des oeuvres dont je doutais, mais ils les authentifiaient. Je leur demandais sur base de quoi, et enregistrais leurs réponses, en pensant à la prochaine toile", se souvient-il.

Lorsqu'on demande pourquoi il s'est lancé dans le faux, Geert Jan Jansen revêt son uniforme de Robin des Bois, évoque son amour de la peinture, les artistes qu'il tentait de vendre dans sa petite galerie à Amsterdam.

"Je ne parvenais pas à payer le loyer, l'électricité. Mais je voyais chez mes collègues que la marchandise était parfois douteuse. Puisque c'est ce que les gens demandaient...", le pas fut vite franchi de vendre des gravures de Chagall achetées à Paris, pourvues d'un coloriage et d'une signature lors de leur apparition à Amsterdam.

De l'exploitation de sa galerie, Geert Jan Jansen se mit petit à petit à ne plus exploiter que le talent de faussaire qu'il s'était découvert.

"Un musicien reproduit une sonate de Bach, et on applaudit. Moi, je reproduis un sonate de Picasso, et on me met à la maison d'arrêt", se dédouane-t-il, un large sourire aux lèvres.

Faussaire, marchand, l'homme se veut également artiste. A Zeist figurent certaines de ses propres oeuvres, inspirées des graffitis de New York, ou sorties en dessins épais de ses tubes d'acrylique.

N'a-t-il pas quelque fois la tentation de vérifier s'il peut encore tromper les experts ? "Non, aujourd'hui je peux peindre et exposer librement", dit-il d'un air soulagé.

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