La mort de l'homme de scène Patrice Chéreau, lundi, à l'âge de 68 ans, a bouleversé le monde du théâtre, de l'opéra et du cinéma, comme en témoignent les multiples réactions des hommes et des femmes ayant travaillé avec lui.
Isabelle Adjani, actrice, interprète de "La Reine Margot" (dans Le Monde)
"Mon lien pour l'éternité avec Patrice Chéreau est La Reine Margot. Nous sommes tous en train de mourir et de nous en aller un peu chaque jour... Ses actrices le savent, le sentent... Valeria Bruni Tedeschi, pour moi, sa divine muse, Dominique Blanc incandescente dans la Phèdre que j'ai désertée, et Anouk Grinberg, irrésistible dans Le Temps et la Chambre, de Botho Strauss, où je ne suis pas entrée... Pardon, Patrice, je ne me suis pas rendue à ces deux rendez-vous que tu m'avais offerts car je te croyais éternel."
"Son regard, un des plus pénétrants que j'aie jamais croisés, et parfois si dur ou douloureux, m'hypnotisait, m'effrayait lorsqu'il dirigeait, alors qu'il me troublait et m'émouvait dans la vie".
"La première grande révélation de mon existence au théâtre fut sa mise en scène de La Dispute, de Marivaux, en 1973. Un moment de transport absolu. La dernière grande révélation de mon existence au théâtre fut Rêve d'automne, de Jon Fosse, en 2010, dans l'enceinte du Louvre"
Pierre Boulez, compositeur-chef d'orchestre (Le Monde)
"Nous avons toujours collaboré avec beaucoup de passion. Patrice Chéreau est le seul metteur en scène - avec Peter Stein - avec lequel j'ai eu envie de travailler".
"Il y a eu le Ring, de Wagner, bien sûr, de 1976 à 1980, mais aussi Lulu de Berg en 1979 et pour finir, en 2007, De la maison des morts, de Janacek. Pour moi, ce qui fait la singularité de son travail est l'extrême précision avec laquelle il caractérise le moindre personnage. Cela tient souvent à un détail, mais qui prend alors une dimension humaine porteuse d'une incroyable émotion".
Isabelle Huppert, comédienne (Le Figaro)
"J'ai tourné dans son film Gabrielle. Il avait une manière de pousser l'acteur très loin, il pouvait donner le sentiment qu'on travaillait pour la première fois. De lui viennent mes premières grandes émotions de spectatrice (Richard II, La Dispute, ses opéras, ses films...)"
"Il était enfantin et d'une certaine manière généreux. Il avait une intelligence, une vivacité, une conviction, une envie permanente".
Jean-Michel Ribes, directeur du théâtre du Rond-Point à Paris (RTL)
"Quand je pense à Patrice Chéreau, la première chose qui me vient à l'esprit c'est un homme libre. D'abord un homme de théâtre, qui a probablement réinventé la mise en scène du théâtre en France. Probablement un des plus grands artistes de théâtre qu'on ait eu".
Dieter Kosslick, directeur du festival international du film de Berlin (à l'AFP)
"Nous pleurons la perte d'un grand artiste, dont l'oeuvre empreinte de sensibilité et de diversité nous a fait chavirer et qui restera à jamais dans notre mémoire".
Patrice Chéreau avait reçu l'Ours d'or du meilleur film en 2001 pour "Intimité", et remporté l'Ours d'argent du meilleur réalisateur pour "Son frère" en 2003.
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre
"Du Ring du centenaire, vision révolutionnaire de l'oeuvre de Wagner, de la Reine Margot, récit esthétique d'une fracture historique fondatrice, à l'Homme Blessé, image douloureuse de la différence, il laisse une oeuvre profondément humaniste, reflet des combats pour l'homme et pour la justice qui l'ont animé"
"Sa dernière mise en scène d'Elektra, à Aix-en-Provence cet été, témoigne de sa passion du texte, du jeu, du dialogue et de l'écoute"
