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L'aéroport de Bruxelles: plaque tournante de la viande de brousse

Chaque année, 44,4 tonnes de viande provenant d'animaux domestiques ou sauvages (aussi appelée viande de brousse), en provenance d'Afrique de l'Ouest et centrale, passent par l'aéroport de Bruxelles-National. La Belgique est à cet égard la destination finale ou le pays de transit. C'est ce que révèle une étude du SPF Santé publique, réalisée en collaboration avec la plateforme Biodiversité, présentée mardi.

L'ampleur du phénomène est toutefois difficile à évaluer. Seules les importations illégales de viande introduites par des passagers ayant été contrôlés à l'aéroport de Zaventem ont en effet été prises en compte dans les estimations.

La conférence "Dead or Alive: Towards a Sustainable Wildlife Trade" se tient mardi à Bruxelles. L'événement est consacré aux importations illégales de viande (dont celle de brousse), une pratique qui peut avoir des conséquences tant sur la santé humaine et animale que sur la biodiversité et l'environnement. Plus d'une centaine d'experts sont amenés à réfléchir ensemble à la mise en œuvre de recommandations pour mettre fin au commerce illégal d'espèces sauvages.

Du babouin, de l'antilope ou encore des reptiles

Lors de la conférence, les résultats d'études portant sur l'analyse de viandes en provenance d'Afrique subsaharienne et saisies à l'aéroport de Bruxelles-National, dans des bagages de particuliers, ont été communiqués. Ils montrent que 38% des échantillons analysés provenaient d'animaux sauvages et un tiers de ces espèces étaient protégées.

Il s'agissait notamment de pangolins africains, de babouins, de singes, d'antilopes, de reptiles. L'une de ces études visait notamment la détection de micro-organismes. Outre des bactéries pouvant provoquer des problèmes gastro-entériques, une souche du virus de la peste porcine africaine a été identifiée. Face à ce qu'elle qualifie de "fléau pour la biodiversité" et alors que le trafic aérien mondial augmente chaque année (+6,4% en 2018 pour atteindre 8,8 milliards de passagers), l'organisation de protection de la nature WWF demande au gouvernement belge et au secteur aérien de lutter activement contre ce trafic en renforçant les contrôles aux douanes et en sensibilisant les voyageurs et la diaspora africaine.

L'organisation demande par ailleurs l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan d'action national visant à mettre fin à ce commerce illégal. "Le commerce illégal des espèces animales et végétales sauvages fait partie des dix secteurs criminels transfrontaliers les plus rentables au monde, au même titre que la drogue, les armes, la contrefaçon et le trafic d'êtres humains", a-t-elle pointé.

Le WWF appelle donc à fournir les ressources nécessaires aux douanes, à la police et à la justice pour améliorer la détection de produits illicites. La ministre fédérale en charge de l'Environnement, Marie Christine Marghem (MR), a pour sa part estimé que le commerce illégal de la viande de brousse nuit à la biodiversité. "Il impacte l'équilibre des forêts tropicales tellement précieuses pour les ressources qu'elles offrent et pour leur rôle dans la lutte contre les dérèglements climatiques. C'est aussi un dossier sur lequel les autorités publiques belges peuvent agir et peser en faveur de la biodiversité."

Des contrôles renforcés

De son côté, le ministre fédéral de l'Agriculture, Denis Ducarme (MR), a rappelé que les mesures prises depuis plus d'un an ont jusqu'ici permis de contenir le foyer de peste porcine africaine dans le sud de la province de Luxembourg et, ainsi, de protéger les six millions de porcs de la filière. "L'introduction de la peste porcine africaine par le biais d'une importation illégale de viande de brousse représente cependant un risque réel. Les recommandations de cette étude permettront d'améliorer encore davantage la collaboration entre les différentes administrations compétentes - les douanes, la DG environnement et l'Afsca (Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire, NDLR.), notamment lors des contrôles menés dans nos ports et aéroports: c'est fondamental", a-t-il insisté.

Une task force interfédérale pourrait d'ailleurs être créée afin de travailler à la mise en œuvre des recommandations élaborées durant la conférence, comme la création de campagnes pour sensibiliser les voyageurs sur les impacts potentiels de l'introduction de viandes de brousse sur la santé des animaux présents sur notre territoire, ainsi que sur les conséquences du commerce illégal d'espèces protégées sur la biodiversité mondiale, a annoncé le directeur du SPF Santé publique, Pierre Biot.

Les différents experts présents à la conférence appellent en tout cas à faire du contrôle et de l'application des importations illégales de viande, une priorité dans les politiques de santé et d'environnement. Ils recommandent notamment d'impliquer activement le secteur du transport aérien, en renforçant les capacités du personnel compétent pour les contrôles aux frontières, en travaillant avec des chiens renifleurs, et en augmentant le nombre de contrôle de routine.

Ils appellent aussi à renforcer les contrôles dans les magasins et autres points de vente et à imposer des sanctions aux commerçants et aux consommateurs de viande de brousse illégale. Une des auteurs des études, le Dr. Anne-Lise Chabert, a par ailleurs proposé de s'inspirer de l'exemple australien, où la douane est aidée par les compagnies aériennes pour lutter contre ce type de contrebande. "Les voyageurs sont ainsi encouragés à déclarer les marchandises qu'ils transportent.S'ils mentent, ils sont passibles d'une lourde amende."

L'importation de viande par les passagers est strictement interdite au sein de l'Union européenne en vertu de la législation en matière de santé animale. Cette interdiction, qui s'applique à tous les types de viande provenant d'animaux domestiques ou sauvages, vise à empêcher l'introduction de maladies animales ou zoonotiques sur le Vieux continent.

Les produits de la pêche, les escargots, les cuisses de grenouilles ou les insectes ne sont pas concernés par cette mesure. L'importation de viande de brousse peut par ailleurs constituer une infraction à la législation de l'UE sur le commerce d'espèces sauvages CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction). 

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