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On l'appelle "le fait du prince": grâce à lui, les cafetiers pourraient-ils refuser de payer leur loyer à AB InBev?

Début novembre sur Bel RTL, le ministre wallon de l'Economie, Willy Borsus appelait le brasseur AB Inbev à faire un geste envers les cafetiers en difficulté après que le groupe brassicole avait annoncé qu'il réclamerait le loyer à ses cafetiers contrairement au premier confinement où il avait annulé le loyer d'avril et reporté celui de mai. AB Inbev rappelle qu'il n'est pas lui-même le propriétaire des espaces commerciaux mais qu'il les loue. Le brasseur ajoute qu'il continue à apporter son soutien aux cafetiers d'autres manières comme, par exemple, le remplacement gratuit des bières périmées.

Ab Inbev évoque des adaptations au cas par cas

Contactée par nos soins, Laure Stuyck la porte-parole d’AB Inbev réaffirme la position de la brasserie mais évoque des plans de paiement adaptés au cas par cas : "Nous voyons comment nous pouvons aider les cafetiers qui nous contactent à reporter les paiements, sous certaines conditions."

"Le fait du prince"

Vincent Fays, courtier du bureau de la région d’Auvelais traite des cas de figure semblables. Selon lui, pour tous les cafetiers actuellement en difficulté dans le pays, une jurisprudence existe. "C'est celle du 18/11/1996, dans laquelle un juge a considéré que "le fait du prince est, à titre de cause étrangère, libératoire, lorsqu'il constitue un obstacle insurmontable à l'exécution de l'obligation et qu'aucune faute du débiteur n'est intervenue dans la genèse des circonstances réalisant l'obstacle."

Le SDI (une fédération patronale interprofessionnelle) évoquait aussi une jurisprudence dans le journal L'Echo le 5 novembre dernier. Un cafetier peut, selon cette fédération, invoquer l'obligation de fermeture ordonnée par le gouvernement comme un cas de force majeure qui le dispense de payer son loyer (si tant est qu'il ne propose pas à côté des services comme des plats à emporter).

Le fait du Prince est donc une décision prise par une autorité publique susceptible d’empêcher l’exécution d’un contrat.

"Le commerçant peut donc se prévaloir de cette théorie auprès de son bailleur en demandant la suspension totale des loyers, quitte à trouver une solution négociée", selon le courtier Vincent Fays.

Mais est-ce bien sûr ?"Le fait du Prince n’autorise pas le débiteur à s’exonérer comme bon lui semble. Encore faut-il que la décision constitue un obstacle absolu et insurmontable pour le débiteur de l’obligation", nous renseigne l'avocate et médiatrice agréée Séverine Evrard sur son site internet.

Sur son site internet, le cabinet d'avocats Matray, Matray & Hallet confirme lui aussi que les choses ne sont sans doute pas aussi simples: "L’obligation de paiement est une obligation de somme. Or en droit belge, cette obligation ne peut en principe pas être affectée par un cas de force majeure. Cette précision doit être rappelée avec force afin de décourager tout effet d’aubaine", peut-on lire. Et, toujours selon ce cabinet d'avocats, "la Cour de cassation exige du débiteur à tout le moins la preuve qu’il a fourni tous les efforts requis pour éviter le dommage ou l’impossibilité d’exécution."

Il est donc recommandé aux personnes dans ce genre de cas de figure de tenter une démarche à l'amiable auprès du bailleur avant tout recours en justice. 

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