"À Namur, de jour comme de nuit, cela est très rarement respecté. Devenu une infraction depuis mars 2019, cela est mauvais tant pour l'environnement que pour le voisinage qui doit supporter cette pollution sonore très désagréable", nous assure Isabelle via le bouton orange Alertez-nous.
Il y a deux ans, la Wallonie prenait une décision inédite. Le 1er mars 2019, le fait de laisser tourner son moteur lorsque l'on est en stationnement devenait une infraction environnementale. En passant d'une simple infraction du Code de la route à une infraction environnementale, la Région permettait plus de contrôles et des amendes qui peuvent rapidement grimper.
Le but de cette mesure est clair: conscientiser les automobilistes à la pollution engendrée par le moteur d'une voiture qui tourne alors qu'elle est à l'arrêt. En plus d’être nuisible pour l’environnement, cette pratique serait dangereuse pour la santé. "L’exposition à la plupart des polluants est plus élevée dans l’habitacle qu’à l’extérieur", ajoutait la note de la campagne Autoff menée par la Fédération Inter Environnement Wallonie.
Jusqu'à 100.000€ d'amende
Avant qu'elle soit hissée au titre d'infraction environnementale, laisser tourner son moteur alors que l'on est à l'arrêt constituait une infraction au code de la route, sanctionnée par 58€ d'amende. En devenant une "infraction environnementale" aux yeux de la Région wallonne, la sanction a évolué.
Début 2019, la Région wallonne a fait passer le Décret du 17 janvier 2019 relatif à la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la circulation des véhicules, qui évoque le cas du véhicule à l'arrêt. Ce décret est entré en vigueur le 1er mars 2019 et considère que si on ne respecte pas cette règle précise, on commet une infraction de deuxième catégorie, avec à la clé une amende allant de 50€ à théoriquement 100.000€ (Article 17 du même décret).
Plusieurs types d'agents sont habilités pour contrôler. En plus des policiers, les agents constateurs régionaux et communaux, compétents en matière d’infractions environnementales peuvent également constater ces infractions.
L'évaluation de cette mesure est encore à l’étude
Deux ans après, cette mesure est-elle réellement appliquée? Des PV ont-ils été dressés? Des contrôles sont-ils réalisés? Pour tenter de dresser un premier bilan, nous contactons le Cabinet de Céline Tellier, ministre de l'Environnement. Difficile cependant d'obtenir des réponses à nos interrogations. On nous répond que la ministre n'envisage pas de prendre la parole à ce sujet car "l’évaluation de cette mesure est encore à l’étude et les discussions se poursuivent au sein du Gouvernement Wallon".
L'évaluation de cette mesure semble donc encore à l'étude... Deux ans après sa mise en application, on ignore le nombre d'infractions relevées. Le Cabinet de la ministre nous fait parvenir une réponse donnée à une question posée au Parlement en septembre dernier. Voici ce que l'on peut lire: "Le Département Police et Contrôle du SPW ARNE (Agriculture, Ressources naturelles et Environnement) fait état de 11 PV constatant cette infraction depuis 2019. Mais la police et les agents constateurs communaux peuvent également verbaliser ce type d’infraction".
11 PV depuis 2019 dressés par le SPW
11 PV établis en 2 ans par le SPW ARNE. Force est de constater que ce chiffre n'est pas vraiment considérable. Du côté des zones de police, même constat. Le porte-parole de la police de Charleroi, David Quinaux, nous rapporte "2 PV établis sur l'année de 2020". À Liège, le porte-parole, Benoît Ferrière nous assure que les agents de police sont bien informés de la mesure et veillent à son respect. "Quand les policiers à moto du service circulation constatent le problème, ils demandent à l'automobiliste de couper son moteur lorsqu'il est à l'arrêt. À Liège, nous sommes dans une phase de sensibilisation. Nous n'avons pas encore dressé de PV", nous explique le porte-parole qui assure que le phénomène n'est pas récurrent. "Cela arrive assez rarement", souligne-t-il.
Faut-il comprendre que les automobilistes ont pris conscience du problème et s'efforcent à ne plus faire tourner leur moteur à l'arrêt? Plusieurs usagers interrogés nous confient avoir eu vent de la mesure sans en connaître précisément les contours. D'autres au contraire semblent étonnés. "J'étais pas au courant qu'on pouvait être verbalisé pour ça", souligne l'un d'entre eux. "Ça m'arrive de le laisser tourner quand il fait froid et que le pare-brise est gelé. Je laisse chauffer le moteur le temps de dégivrer. Mais bon, pas vu pas pris hein!", s'exclame un autre.
De son côté, Bruno Gysels, avocat spécialisé en circulation routière, assure n'avoir jamais été contacté pour ce genre d'infractions. "Alors que j'ai sous les yeux des dizaines de PV par jour en matière de roulage, je n'en ai jamais vu, de toute ma carrière, en la matière et certainement pas ces derniers temps", insiste-t-il. Avant de poursuivre: "C'est ce que j'appelle le bluff législatif. On instaure toute une série de lois que peu de gens connaissent, ni même les policiers, et qui ne sont jamais poursuivies. Ça concerne uniquement ceux qui les respectent".
Selon ce spécialiste, cela s'explique par le fait des procédures très "standardisées". "Sur le terrain, de moins en moins de policiers sont attentifs à ces infractions spécifiques", estime-t-il.
Sensibiliser les conducteurs dans les zones sensibles
Le Cabinet de la ministre Céline Tellier nous assure pourtant que "la verbalisation est importante, pourrait être renforcée mais ne suffit pas". Avant d'ajouter: "L'obligation de couper le moteur reste pertinente surtout pour les véhicules récents qui ne sont pas munis de système stop/start automatique et les véhicules plus anciens en cas d'arrêt de plus de 30 secondes. Il conviendrait donc de sensibiliser également les conducteurs à cette problématique, en particulier dans les zones sensibles : aux abords des écoles, des crèches, des hôpitaux, etc".
De plus, cela permettrait de réaliser de précieuses économies. Benoît Godart, porte-parole de l'Institut de Sécurité Routière Vias, nous explique que l'on consomme pratiquement un litre de carburant par heure lorsque l'on se trouve à l'arrêt et que le moteur tourne. "Le fait de laisser son moteur à l'arrêt pendant 10 secondes consomme plus que si vous l'arrêtez et vous le remettez en route. D'ailleurs, le système Start & Stop existe sur toutes les voitures maintenant, il y a une raison", explique le porte-parole.
Afin de savoir si des études en terme de qualité de l'air ont été réalisées, nous nous tournons auprès de l'Institut scientifique Wallon de surveillance, de sûreté et de recherche & développement en environnement (ISSeP). On nous fait comprendre que de telles études sont compliquées à mettre en œuvre. "Comment pourrait-on s'assurer que l'impact de la qualité de l'air est influencé par le fait que des automobilistes laissent ou non tourner le moteur? C'est impossible", nous affirme-t-on. De plus, pour réaliser un comparatif, il aurait fallu réaliser des études avant l'instauration de la mesure. Et cela n'a pas été fait, précise l'ISSeP.
