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Polémique autour du tunnel rebaptisé Annie Cordy à Bruxelles: "Chaud cacao", une chanson raciste? (vidéo)

Le tunnel le plus long de la capitale ne s'appellera plus Léopold II à partir de l'automne prochain. Depuis le 8 mars, le long tronçon sous-terrain est baptisé Annie Cordy. L’interprète de "Tata Yoyo", décédée le 4 septembre dernier, a été élue parmi de nombreuses personnalités féminines dont les noms ont été soumis aux votes du public depuis le 1er février. 

Mais quelques jours après l'annonce de ce nouveau nom, celui-ci ne faisait déjà plus l'unanimité. Des voix se sont élevées pour critiquer ce choix: pas assez connue du public flamand, pas assez féministe, ni antiraciste. 

Des paroles racistes?

Apolline Vranken, architecte féministe -  Fondatrice de la plateforme “L’architecture qui dégenre",  se réjouit que les voieries portent plus des noms de femmes. Cependant, la chanson "Chaud cacao" d'Annie Cordy lui pose question dans son esprit général. "On est persuadé qu'il y a beaucoup de figures du matrimoine bruxellois et de féministes qui n'ont pas eu des actions ou des propos problématiques. Donc, effectivement, on remet un peu en question ce choix-là, mais on se réjouit du fait que le débat, aujourd'hui, ne tourne pas spécifiquement sur la question de renommer par des noms de femmes, mais plus spécifiquement sur les questions de racisme ou encore des questions communautaires", précise l'architecte sur le plateau de C'est pas tous les jours dimanche. 

Pour nous, c'est le début d'un changement

Le fait le plus important est que la population ait préféré mettre Léopold II de côté, selon Mireille-Tsheusi Robert, présidente de BAMKO - Centre féministe de réflexion et d’action sur le racisme anti-noir.e.s. "Il y a là un changement de paradigme et un changement politique". À ses yeux, on doit aussi souligner le fait qu'il existe une nouvelle génération de politiques qui a un courage, voire une audace, "de vouloir 'évincer' Léopold II". 


 

"Et on s'en réjouit. Pour nous, c'est le début d'un changement". Sur le choix d'Annie Cordy, la présidente de BAMKO, estime que c'est un choix populaire. "Ce n'est pas ma chanteuse préférée, surtout sur la chanson que j'estime être raciste (NDLR: Chaud cacao) dans son esprit". Mais Mireille-Tsheusi Robert précise qu'il s'agit du reflet d'une époque. "C'est une chanson qu'on ne peut pas effacer du patrimoine belge, ni Annie Cordy d'ailleurs, mais ce qui est le plus important, c'est d'en être conscient". 

Michèle Lebon, nièce d’Annie Cordy, a défendu sa tante concernant la chanson jugée problématique. Elle dit "encore chercher la phrase qui a pu déranger qui que ce soit". "On (NDLR: la famille d'Annie Cordy) est droit dans nos souliers et je ne pense pas qu'il y ait eu quelques intentions que ce soit. Ni Annie, ni les auteurs. Je connais la chanson par coeur et je cherche encore ce qu'il peut y avoir de raciste là-dedans".

"Annie Cordy n'est pas connue en Flandre"

D'autres personnes regrettent que le choix ne soit pas une personne connue du public flamand et qu'il ne représente donc pas l'ensemble du pays. "Annie Cordy n'est pas connue en Flandre (...) mais elle a gagné le vote populaire, il n'y a rien à faire, moi, je suis pour la démocratie, elle est gagnante", explique Cieltje Van Achter, cheffe de groupe au Parlement bruxellois - Vice-présidente de la N-VA.

 "J'ai aussi vu d'autres critiques. Les gens se demandent si on doit effacer notre histoire? Pourquoi ne pas garder Léopold II? Mais la réponse est très claire. Les atrocités commises contre la population au Congo, on les connaît et on les connaissait déjà dans le temps de Léopold II. Ici, on va rénover un tunnel, ce sera un nouveau tunnel et c'est bien de ne plus honorer ce tunnel avec le nom de Leopold II", poursuit Cieltje Van Achter. 

La nièce d’Annie Cordy a également réagi suite à ce débat. Elle a répondu que les parents d'Annie Cordy étaient flamands. "Ils se sont installés à Laeken, mais nous sommes flamands à l'origine", lance-t-elle.

Alexander Pigman, journaliste - Agence France Presse, trouve aussi qu'il aurait fallu choisir un nom connu de tous les Belges. "Je sais que ce tunnel mène en Flandre, il mène à la mer. On penserait à quelque chose de plus national et pas Annie Cordy qui est quand même très spécifique. Pour quelqu'un de mon âge, j'ai la quarantaine, elle a quand même un petit coté Kitsch, rigolo", détaille le journaliste. 

6,1% de noms de femmes

Actuellement, 43% des rues à Bruxelles portent le nom d'une personne. Parmi celles-ci, seules 6,1% portent celui d'une femme. Pour souligner l'importance de renverser cette dynamique, la Région bruxelloise avait lancé une procédure de changement de nom à la fin de l'année dernière pour rebaptiser le plus long tunnel du pays. Ce changement symbolique en prédit d'autres, car il existe un large consensus politique pour une évolution plus large dans ce sens.  



22% des votes 

30.715 votes ont été comptabilisés entre le 1er février et le 28 février à minuit. Annie Cordy s'est clairement démarquée avec plus de 22% des votes. Pour la ministre bruxelloise de la Mobilité Elke Van den Brandt, la liste des candidates fournit aussi de l'inspiration pour rebaptiser d'autres lieux et donner aux femmes à Bruxelles la reconnaissance qu'elles méritent.   

 Elle a eu un parcours remarquable

La secrétaire d'Etat à l'Egalité des chances Nawal Ben Hamou estime quant à elle que le nombre important de votants encourage à mener d'autres initiatives pour mieux visibiliser les femmes à Bruxelles, mais aussi leur apport à la culture bruxelloise, belge ou internationale. 

"Annie Cordy reste une femme qui s'est engagée dans le show-business dans les années 50-60. Elle a eu un parcours remarquable. Je ne comprends pas les discussions qu'il y a autour du profil d'Annie Cordy. Qu'est-ce qu'elle aurait de moins que le tunnel Madou qui était un peintre au 17e siècle", dit Nawal Benhamou, secrétaire d'Etat à la Région de Bruxelles-Capitale, chargée du Logement et de l'Egalité des Chances - PS. 

Michèle Lebon, la nièce d’Annie Cordy, s'est dite touchée par le plébiscite du nom de sa tante et l'appel des votants à inscrire l'artiste et son œuvre dans la mémoire de la ville qui l'a vu naître. Elle a dit s'y associer "d'autant qu'une réflexion a été entamée avec les autorités bruxelloises pour trouver un emplacement en surface pour évoquer de façon didactique la personnalité et le parcours de ma tante". 

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