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Emmanuelle Praet se confie sur le suicide de son compagnon: "Je ne pense pas que ça soit une question de courage ou de lâcheté"

Selon les chiffres officiels, le taux de suicide en Wallonie est près de deux fois plus élevé que la moyenne européenne. Malgré ce constat alarmant, le sujet n'est pratiquement pas abordé et ne fait pas l'objet de mesures publiques. La Flandre a pourtant déjà lancé une campagne de prévention qui porte ses fruits. Des témoins et des spécialistes sont venus se confier sur le plateau de l'émission C'est pas tous les jours dimanche.

D'après des chiffres d'Eurostat et d'un rapport de prévention du suicide en Wallonie, le taux de suicide dans notre région est de 21,7 pour 100.000 personnes. Soit près du double de la moyenne européenne. Compétent en matière de santé publique, le gouvernement wallon n'a pratiquement rien fait pour lutter contre cette problématique inquiétante. Un plan est attendu depuis... plus de dix ans.

Parallèlement, la Flandre a lancé une campagne de sensibilisation pour combattre le suicide en 2012, et le taux de suicide est effectivement en baisse au nord du pays.

Pour comprendre la problématique, la détresse des personnes qui songent mettre fin à leurs jours, mais aussi le chagrin et l'angoisse de leurs proches, plusieurs personnes sont venues témoigner sur le plateau de C'est pas tous les jours dimanche.


"Je ne pense pas que ça soit une question de courage ou de lâcheté"

La chroniqueuse Emmanuelle Praet a vécu un suicide dans son entourage proche. "Mon compagnon s'est suicidé le 4 juillet dernier, après en avoir parlé plusieurs fois. Je l'ai déjà dit, je ne pense pas que c'est parce qu'on fait plusieurs tentatives qu'on ne le fait pas définitivement. Est-ce que ça aurait pu changer avec l'aide des pouvoirs publics? Je ne pense pas", confie la journaliste. "Si vous avez des enfants, ce qui était le cas, si vous avez des gens qui vous aiment très fort, c'était le cas aussi, et que malgré ça vous décidez de partir, je ne suis pas sûr que quelqu'un puisse vous aider", précise Emmanuelle Praet.

Elle explique que son compagnon était suivi psychologiquement mais que cela n'a pas suffi. "Je ne pense pas que ça soit une question de courage ou de lâcheté. Je pense que c'est un moment 'T' où il n'y a plus rien. Ni l'amour, ni le désespoir. C'est juste le sauvetage et plus rien ne compte. Peut-être que pour certaines personnes une aide peut être super utile, et tant mieux, mais peut-être que ces personnes n'étaient pas assez prêtes pour le faire", ajoute-t-elle.


"Je n'ai eu aucun regard, aucun sourire, aucune question"

Une témoin, Christine Bafumo, a également confié ce qu'elle a elle-même vécu. En 2011, à 40 ans, elle a quitté son mari après 24 ans de vie commune. Elle y a perdu beaucoup d'argent, sa maison, et son fils est resté chez son père. Sans emploi, Christine est passée à l'acte en prenant une forte dose de médicaments. Elle a échappé à la mort mais a dû passer trois jours à l'hôpital. "Moi en fait c'était le divorce d'une personne, mais aussi de mon pays et de ma vie. Parce que j'ai décidé de revenir en Belgique après 24 ans en Italie. C'était le choix de couper, je voulais vraiment changer", explique-t-elle.

Christine s'est alors retrouvée dans une situation extrêmement compliquée. "Je suis revenue en Belgique chez mes parents et d'un coup je me suis retrouvée sans travail, sans vie, sans maison, sans rien. J'ai essayé d'aller de l'avant, de retrouver un travail, mais j'avais beaucoup de portes fermées", précise-t-elle. Jusqu'au moment où le désespoir a pris le dessus. "Puis je suis passée à l'acte, parce que j'étais émotionnellement éprouvée. Trop de souffrance émotionnelle. J'ai eu ce moment de faiblesse...", confie Christine. "C'est pour ça que j'ai décidé de témoigner. Je suis quelqu'un de très forte, mais c'était un moment très bas de ma vie, où j'étais très faible. Ce n'est pas que personne ne s'intéresse, mais personne ne comprend. Au moment où j'ai tenté, je me suis dit 'qu'est-ce que je suis en train de faire? Je mérite le bonheur'... Puis je me suis endormie", poursuit-elle.

Après sa tentative de suicide ratée, Christine passe trois jours dans un hôpital de Mons, où elle ne reçoit aucun réconfort et aucune aide. "À mon réveil, sincèrement, ça a été les trois jours les pires de ma vie. Je n'ai eu aucun regard, aucun sourire, aucune question. J'étais exclue pendant trois jours", explique-t-elle.

Christine précise qu'elle ne connaissait pas du tout le numéro de téléphone d'aide et d'information concernant le suicide. Il s'agit du 0800 32 123. "Non, jamais entendu parler", explique-t-elle.


Quelques conseils pour venir en aide aux personnes concernées

Ces témoignages illustrent la complexité de la problématique, et montre le besoin urgent d'une politique de santé publique adaptée. Que faire pour lutter contre ce taux de suicide élevé en Wallonie? Comment les proches des personnes en détresse peuvent-elles agir? Des renseignements et des conseils adaptés peuvent être demandés au 0800 32 123. "Nous avons une cellule d'intervention de crise qui reçoit les personnes en crise suicidaire, mais aussi tous les proches. Il y a aussi un service de deuil. C'est peu connu, c'est bien d'en parler aujourd'hui", explique Cécile Palies, du Centre de prévention du suicide.

> Des conseils sont fournis sur le site du Centre de prévention du suicide

Le dialogue et l'écoute des personnes en détresse est la première étape pour pouvoir leur venir en aide. "Ce qu'on fait aujourd'hui (ndlr: en abordant le sujet en public), c'est très important. Il faut en parler. Il ne faut pas laisser les personnes seules, il faut en parler, oser en parler", explique Cécile Palies.


Un nouveau plan d'action du gouvernement wallon est attendu depuis de nombreuses années

Du côté du gouvernement wallon, c'est Maxime Prévot (cdH) qui est compétent en la matière. "Il a vraiment le souhait de prendre en main cette thématique. Donc le ministre a l'intention de déposer un plan de prévention et de promotion de la santé dans lequel il y aura un axe dédié à la prévention sur le suicide", est venue expliquer Isabelle Moinnet, députée wallonne cdH, qui parlait au nom du ministre.

Véronique Duquenne, députée wallonne MR (opposition), a cependant rappelé que "Ça fait des années qu'on attend. Le dernier programme quinquennal de promotion et de prévention de la santé date de 2004. Quinquennal ça veut bien dire cinq ans, donc on l'a reporté et il ne s'est plus rien passé. Il fallait anticiper et faire face aux enjeux".

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