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A Glasgow, la fièvre du bingo n'est jamais retombée

Depuis 25 ans, Margaret Fischer passe la plupart de ses soirées là, sur le même siège du même club de bingo de Glasgow, en Ecosse. "Je ne suis pas une joueuse invétérée", dit-elle, "mais j'adore le bingo, son atmosphère et la montée d'adrénaline" qui l'accompagne.

"Tous mes amis jouent depuis toujours. Je n'ai jamais parlé à quelqu'un qui n'avait pas mis les pieds dans une salle de bingo", confie-t-elle.

"On rencontre ses amis, on prend du bon temps, ça vous sort", explique cette femme solide aux cheveux courts auburn après avoir pris un ticket d'entrée à cinq livres (six euros) pour 18 parties et pris place à côté de son amie Tina.

Le bingo est un jeu de loto ou de quine qui consiste à cocher des grilles de numéros au fur et à mesure que des boules numérotées de 1 à 90 sont tirées au sort. On crie "bingo !" lorsque l'on a complété une grille.

Margaret Fischer raconte avoir un jour gagné 2.000 livres, une belle performance. Les joueurs peuvent habituellement espérer remporter plutôt jusqu'à 1.000 euros de gains un samedi soir et la moitié un soir de semaine.

Contrairement à la plupart des jeux de hasard, le bingo séduit davantage de femmes que d'hommes. Selon Miles Baron, qui dirige l'Association nationale du bingo, les acteurs du secteur estiment que ce jeu attire environ 80% de femmes et 20% d'hommes, issus majoritairement de milieux modestes.

A Glasgow, la capitale britannique de ce jeu, comme ailleurs dans le royaume, cette distraction est ancrée dans la culture ouvrière et passe d'une génération à l'autre.

"Ma mère venait avec sa mamie et dès que j'ai eu l'âge, elle m'a dit: +Viens au bingo !+", explique Nicole Croly, 22 ans, dans le gigantesque club. "Je n'ai jamais décroché depuis."

- ADN de Glasgow -

Ce jeu aurait été inventé en Italie au XVIe siècle avant de se répandre progressivement en Europe. En Grande-Bretagne, il a connu son âge d'or dans les années 60 et l'engouement subsiste depuis lors à Glasgow comme nulle part ailleurs.

La plus grande ville d'Ecosse et sa banlieue comptent encore au moins 14 clubs, un chiffre record, selon l'Association nationale du bingo. Il y en avait au bas mot le double dans les années 80, précise M. Baron.

"On se plaît à dire que les Italiens l'ont inventé mais il est à nous", s'amuse Paul McGlinchey, responsable d'un club de 1.500 places - le plus grand du pays - exploité par l'enseigne de jeu Mecca.

Quelque 500 joueurs, essentiellement des dames âgées, s'attablent rang après rang en prenant place sur des sièges aux couleurs vives.

La population locale autour du bingo, plus sédentaire à Glasgow que dans d'autres endroits du Royaume-Uni, fait que le bingo reste "dans l'ADN" de la ville, selon M. McGlinchey.

Au petits soins, le manager à la joie communicative sait tout de ses ouailles, de l'opération de la hanche à l'anniversaire de mariage. "Ça fait partie de mon job !"

"C'est un soap opéra tous les jours ici, on entend de ces choses!", s'amuse-t-il.

En plus du bingo à l'ancienne, où l'on observe un silence absolu quand les numéros sont tirés au sort, la chaîne Mecca propose des salles où l'on peut papoter en jouant.

Elle a aussi adopté des tablettes numériques, au lieu des traditionnelles grilles cartonnées, et passe de la musique pop pour séduire une clientèle plus jeune.

- "Absolument magique !" -

A l'autre bout de la ville, dans un entrepôt reconverti sur les rives de la Clyde -- autrefois réputée pour ses chantiers navals --, un bingo nouvelle formule s'est débarrassé de tous les codes habituels, adoptant plutôt ceux d'une boîte de nuit.

Au "Bongo's Bingo", c'est musique, alcool et hôtesses pour attirer ceux qui ne passent pas leurs vendredis soir à jouer.

"Je vais me prendre une cuite et essayer de gagner de l'argent !", anticipe Steven Ward, 26 ans, venu avec une bande d'amis.

Lancé à Liverpool (nord-ouest de l'Angleterre) en 2015 avant d'essaimer dans d'autres villes britanniques comme à l'étranger, cette nouvelle formule est particulièrement populaire à Glasgow, où elle draine 700 clients chaque semaine.

Rich Kelly, 33 ans, ancien prof de théâtre de Birmingham (centre) et DJ itinérant, s'y produisait et y appelait les numéros récemment. Flanqué de deux gaillards sommairement déguisés en filles, il distribuait les prix - de l'argent ou de l'alcool - alors que la foule dansait au son de tubes pop.

"On fait des bingos dans tout le pays mais on a toujours hâte de venir à Glasgow", témoigne-t-il. "On sait que les gens vont être à fond".

Lyn Lappin, qui à 51 ans est l'une des plus âgées de l'assistance et plutôt habituée au bingo traditionnel, a tenté l'aventure avec des collègues.

"J'adore ! C'est absolument magique !", s'émerveille-t-elle, en braillant le "Sweet Caroline" de Neil Diamond pendant une pause entre deux tirages.

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