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A Lens, la nostalgie des descendants de mineurs polonais

A l'évocation de ses parents et grands-parents disparus, Hélène Molinski ne peut retenir ses larmes. Nostalgique de son enfance, elle revient vivre le temps d'un restaurant, dans l'ex-bassin minier, l'ambiance des repas de famille de la diaspora polonaise venue extraire le charbon.

"C'est mon père qui nous a appris à danser la polka, la valse, on venait tous les ans à Pâques chez mes grands-parents, la fête commençait au petit déjeuner, jusqu'au soir", raconte cette retraitée accompagnée de son époux et de son fils, dans l'une des rares tables polonaises du Nord-Pas-de-Calais.

Une atmosphère de repas familiaux du dimanche et de mariage, où chacun sortait son instrument de musique, que Vincent Vignacourt a voulu recréer en ouvrant à Lens son restaurant, "Comme chez Babcia" (grand-mère, NDLR).

"Un lieu où l'on peut faire la fête et voyager le temps d'un repas", pour combler "un manque" après la mort en 2013 de ses grands-parents issus de l'immigration polonaise.

Ici, deux cheffes polonaises cuisinent "comme à la maison" des plats "d'antan", des "kluski" - pain, viande roulée farcie et choux rouge - et des "bigos" - choux, choucroutes et viandes fumées. On boit tout type de vodka, et surtout on danse et on chante.

"Comme tous les gens de mon âge, on allait manger polonais chez nos grands-parents, ici on vient retrouver ce qu'on a connu chez eux", raconte le patron, 36 ans, ancien commerçant de prêt-à-porter, un T-shirt Polska rouge sur le dos. "Je me suis dit qu'il n'y avait pas de lieu où on pouvait retrouver ça: toute cette génération de babcia soit est trop âgée, soit n'est plus là".

- "Retrouver un peu de mon sang" -

En hommage, des dizaines de clients ont tapissé le mur de l'entrée d'une multitude de photographies de leur mamie, en couleur, sépia ou noir et blanc.

Derrière le comptoir, une myriade de souvenirs kitsch à vendre, ramenés de Pologne; posés ça et là dans la salle, des poupées russes et des costumes traditionnels, donnant un air de restaurant "touristique typique" des montagnes de Zakopane, selon son gérant.

Tandis que les serveurs passent de table en table avec un chariot débordant de "polskie ciasta" - pâtisseries -, le groupe Adamiac, avec contrebasse, bandonéon et violon, enchaîne les airs folkloriques.

"Ca me prend toujours aux tripes quand j'entends la musique polonaise", s'enthousiasme Aline Malenski, âgée de 76 ans. "Ca nous rappelle notre jeunesse", complète tout sourire Wanola Jandoszek, évoquant l'époque des bals et l'orchestre de la "petite star" locale Stéphane Kubiac.

Christian Antkowiak, la cinquantaine, n'a plus de parents en Pologne, qu'il n'a jamais visitée. "C'est ça qui me manque un peu. J'essaie de retrouver un peu de mon sang ici", confie ce petits-fils d'immigrés polonais arrivés, comme 200.000 autres, dans l'ex-bassin minier dans les années 1920, après la signature d'une convention avec Varsovie en 1919.

"La nostalgie que j'ai, c'est de ne pas avoir appris le polonais, avec mes parents on aurait pu garder un peu de ça, et d'avoir oublié mes racines", ajoute-t-il, regrettant que les repas du dimanche avec ses enfants "ne se passent plus comme avant".

Un peu plus loin, un petit garçon, entouré de sa grand-mère et de ses parents, semble plus intéressé par sa tablette que par les morceaux polonais que jouent le groupe juste devant lui. Mais son père Olivier n'est pas inquiet: "Il se rappellera de ses origines en vieillissant".

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