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Avec "The Legend of Burning Man", le vent de la révolte souffle sur Aurillac

Avec "The Legend of Burning Man", présenté pour la première fois en France au Festival international de théâtre de rue d'Aurillac, la compagnie catalane Insectotropics évoque l'étincelle qui a engendré les Printemps arabes, prétexte à une réflexion sur la genèse des révolutions.

"L'homme qui brûle", c'est Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur tunisien de fruits et légumes, excédé par la pauvreté et les humiliations policières, qui s'est immolé par le feu le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid.

Son acte désespéré avait déclenché un mouvement de protestation contre le chômage et la vie chère, marqué par des émeutes sanglantes. Les manifestions s'étaient ensuite étendues à tout le pays, au point de chasser du pouvoir le président Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011, première étape des "Printemps arabes".

"Ce qui nous a intéressés dans l'histoire de Mohammed Bouazizi, c'est le processus de la révolution. Comment l'acte individuel d'un homme de la rue simple et normal est-il devenu un mythe ?", s'interroge Padi Padilla, actrice membre du collectif Insectotropics, créé en 2011 à Barcelone.

Dans ce spectacle fusionnant théâtre, peinture, danse, musique et vidéo, les spectateurs sont amenés à circuler librement autour d'une scène à 360 degrés en forme de cube géant surélevé, dont les quatre faces sont autant de prismes par lesquels l'histoire de Mohamed Bouazizi peut être racontée.

Sa transformation en torche humaine qui embrase dès les premiers instants la scène donne le ton d'un spectacle explosif, psychédélique et révolté, qui a déjà tourné en Espagne et en Angleterre.

La figure du jeune vendeur ambulant devenu martyr sera rapidement récupérée par les politiques de tous bords. Dans des images d'archives, l'ancien président américain Barack Obama honore un "héros" de la Tunisie, tandis qu'au même moment Ben Ali se rend au chevet de la victime dans une opération de communication pour tenter de désamorcer la crise. Images aussitôt détournées pour symboliser la manipulation et le cynisme du pouvoir.

- Toiles d'araignée et têtes d'insecte -

L'ensemble des médias du monde entier s'empareront de ce fait d'actualité, rapporté par des journalistes à têtes d'insectes, et relayé aussi sur la toile d'araignée - symbole du web - et les réseaux sociaux, à grands renforts de tweets et d'émoticônes.

"On veut aller au delà de cette histoire pour proposer un voyage onirique, une métaphore sur le concept philosophique de réalité, c'est-à-dire sur la manière dont chacun perçoit les faits qui lui sont racontés", explique Xanu, l'un des deux peintres de la troupe.

"Les médias sont les troubadours de l'époque moderne qui peuvent transformer un simple fait en véritable légende", explique l'artiste au visage peint, dont les performances devant le public sont retransmises sur grand écran.

Désormais, la révolution est en marche et rien de pourra l'arrêter. Sur de la musique classique et électro, le spectacle convoque pêle-mêle les figures de grands révolutionnaires de l'Histoire, de Danton à Che Guevara et Mao Tsé-toung, devenues pour certaines des produits marketing mis à toutes les sauces.

Mohamed Bouazizi n'est plus mais d'autres contestations menacent toujours le pouvoir, quand des frondeurs porteurs de masques taguent et mettent en pièce les portraits d'hommes et femmes politiques actuels, dont un certain Donald Trump.

Un spectacle à l'image du festival international de théâtre de rue d'Aurillac, qui fête jusqu'à samedi une 33e édition sous le sceau de l'irrévérence.

L'an dernier, plus de 120.000 spectateurs s'étaient donné rendez-vous dans les rues de la cité cantalienne.

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