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Ben Harper & Charlie Musselwhite: "Le blues, c'est cette femme qui vous quitte"

"Le blues, c'est cette femme qui vous quitte...": Ben Harper et Charlie Musselwhite, qui croisent la guitare et l'harmonica dans "No Mercy in this Land", dans les bacs vendredi, racontent à l'AFP leur musique, leur propre histoire et l'Amérique.

D'un côté, le gardien du temple: Ben Harper, 48 ans, artiste de renommée internationale, métis, bras tatoués et chapeau de pasteur. De l'autre, le vieux sorcier: Charlie Musselwhite, 74 ans, artisan longtemps resté méconnu, teint pâle, yeux bleus malicieux et fine moustache.

Le premier, issu de la classe moyenne, est né à Claremont (Californie). Il a grandi au milieu des guitares, au Folk Music Center and Museum, fondé par ses grands-parents en 1958. Le second est né à Kosciusko (Mississippi), a grandi dans la pauvreté à Memphis. Travailleur du coton, vendeur de lait mais aussi d'alcool frelaté, son école a été celle de la rue.

Tout les oppose. Sauf la passion du blues.

"Le blues est le reflet de ce qui se passe dans nos vies. A ceci près qu'il réconforte quand on va mal. On chante le blues aussi bien pour dire que son amoureuse est partie, que pour raconter comment elle va finir par revenir", explique Charlie, de sa voix réchappée des limbes du Mississippi.

Cet harmoniciste, aux faux airs de l'acteur britannique David Niven, est aujourd'hui une des grandes figures de cette musique apparue dans le sud des États-Unis au XIXe siècle. En cinquante ans de carrière, il a accompagné les plus grands, BB King, John Lee Hooker, Muddy Waters ou encore Little Walter, avant d'engager une brillante carrière solo.

Tout près, Ben Harper l'écoute religieusement. De 26 ans son cadet, il n'a cessé depuis vingt cinq ans d'élargir les frontières du blues en l'associant au rock, reggae, folk, funk, gospel...

Lui aussi vante les bienfaits de cette musique. "Ce que je sais, c'est que quand on joue et on chante du blues, on se sent mieux. Alors avec un peu de chance, ceux qui l'écoutent se sentent un peu mieux aussi", espère-t-il.

- Primitif et moderne -

"Il n'y a qu'à écouter +Going down slow+ de St. Louis Jimmy ou +Hi-Heel Sneakers+ de Tommy Tucker, pour le vérifier", relève son aîné, qui dans sa jeunesse n'allait à l'église "que pour repérer les jolies filles", préférant "au gospel le blues", la musique du diable.

Cinq ans après "Get Up", leur premier effort commun récompensé du Grammy du "meilleur album de blues" en 2014, les deux Américains, qui se sont rencontrés en 1998 par l'entremise de John Lee Hooker, reviennent déverser leur blues entre deux âges, très primitif et moderne à la fois dans "No Mercy in this Land".

Sur le titre éponyme, Ben partage le chant avec Charlie. Et pour cause, cette complainte fait écho à l'histoire de l'harmoniciste, abandonné par son père et dont la mère a été assassinée. "Ce vers, +ma pauvre mère est dans sa tombe+, a une résonance très personnelle. C'est l'essence du blues, cette émotion-là est pure", dit-il.

"No Mercy in this Land" ("Pas de pitié dans ce pays") évoque aussi l'Amérique actuelle. "On vit des temps très difficiles avec Trump. Ce qui se passe est assez écœurant. Je n'imaginais pas que ça puisse empirer à ce point", observe Charlie, dépité.

Autre titre-phare du disque, "The Bottle Wins Again", parle de l'alcoolisme qui aurait pu "tuer cent fois" ce vieux sage désormais sobre.

"Le blues que j'écris était fait pour être joué par Charlie", assure Ben Harper.

En osmose, ces deux collectionneurs de disques vinyles s'accordent aussi sur la chanson qu'ils emporteraient sur une île, à savoir "Will the Circle Be Unbroken?", une chanson populaire de 1907 dans la version des Staple Singers (1967).

"Ce titre a tellement de puissance, de profondeur, d'émotion. Je peux l'écouter un nombre incalculable de fois, je ne m'en lasse jamais", affirme Charlie soudain envahi par un sourire d'enfant.

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