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Cinéma: la double culture franco-asiatique questionnée à l'écran

Rares sont les personnages asiatiques qui sortent des clichés dans le cinéma: "Retour à Séoul", du franco-cambodgien Davy Chou, en salles mercredi, touche au cœur en suivant la quête d'une jeune femme adoptée qui déjoue les idées préconçues sur l'identité.

Remarqué à Cannes (Un Certain Regard), il a ensuite été présenté au festival de Busan (Corée du Sud), où les spectateurs ont eu "du mal à identifier l'origine ou la nationalité" d'un film qui se plaît à brouiller les pistes, a relevé son réalisateur.

Il fait désormais partie des 15 films pré-sélectionnés avant les nominations mardi pour l'Oscar du meilleur film international - il y représenterait le Cambodge.

On y suit Freddie, une jeune femme lunatique et sans complexes, qui atterrit en Corée du Sud. Elle n'a jamais mis les pieds dans ce pays où vivent ses géniteurs, qu'elle n'a jamais cherché à retrouver.

Personnage insaisissable, elle est interprétée par Park Ji-min, artiste installée en France et qui fait ses premiers pas à l'écran... et homonyme d'une des stars du groupe BTS,vedettes de la K-Pop.

A quoi ressemble un "retour au pays" quand on ne l'a jamais vraiment connu ? Plongée dans cet univers qui lui est hermétique, elle se lance dans une quête des origines qui va la transformer.

Si sa mère biologique refuse de répondre aux messages, elle va faire connaissance de son père (l'acteur sud-coréen Oh Kwang-rok), qui a refait sa vie et sombré dans l'alcoolisme.

Le film a été tourné en Corée du Sud - du quartier d'Itaewon à Séoul à la ville de Jeonju, dans le sud du pays - avec une équipe coréenne et européenne, un scénario écrit à l'origine en français, et sur une musique de rock psychédélique sud-coréen des années 1960 signée Shin Jung-hyeon.

- "Tristesse violente" -

"Retour à Séoul", qui veut éviter les clichés sur l'adoption, se concentre "sur un personnage asiatique féminin qui est éloigné du cliché qu'on pourrait attendre d'une jeune femme délicate, dont on regarde l'intériorité", a expliqué le réalisateur à l'AFP, à Cannes. "Freddie, c'est l'opposé total", une jeune femme volcanique et indépendante.

C'est le cas aussi "dans les rapports du personnage avec les garçons qu'elle séduit et qu'elle malmène", poursuit le cinéaste de 39 ans, également producteur et fondateur d'un atelier de cinéma au Cambodge, où il a aussi tourné son film précédent, "Diamond Island".

Né en France dans une famille d'immigrés cambodgiens, Davy Chou a découvert à l'adolescence que son grand-père avait été l'un des principaux producteurs de films au Cambodge dans les années 1960, et a fait à 25 ans un voyage qui a transformé sa vie dans ce pays d'Asie du Sud-Est.

Il constate aujourd'hui qu'en "France, on voit de plus en plus d'acteurs et de cinéastes +racisés+, même si ce n'est pas du tout dans les proportions de la population française. Mais si on parle des personnages ou des réalisateurs asiatiques, c'est au compte-goutte".

Les rôles sont "toujours les mêmes, hyper-clichés, avec des accents, engendrant une frustration énorme qui fait que les gens se détournent de leur passion", témoigne-t-il. Rares sont les contre-exemples, comme le personnage joué par la franco-chinoise Julie Zhang l'an dernier chez Jacques Audiard, dans "Les Olympiades".

"Les acteurs et actrices d'origine asiatique en France sont un champ complètement +invisibilisé+, même pas sous-représenté", abonde l'actrice du film, Park Ji-min.

Née en Corée du Sud, elle se souvient de ses premières images de son nouveau pays, à son arrivée en France à huit ans: "je me suis faite gazer la gueule en pleine rue avec ma mère, une agression raciste gratuite". De quoi se reconnaître dans la "tristesse violente" ressentie par le personnage de Freddie.

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