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La révélation lumineuse de Raoul Dufy à Perpignan

De ses ateliers à Perpignan à ses escapades à Collioure ou Céret, Raoul Dufy invite à une promenade posthume dans les dernières années de sa vie, éclaboussées par le soleil cru du Roussillon, où le peintre eut "la révélation" lumineuse.

Soixante-cinq ans après la mort de Dufy à Forcalquier, le musée d'art Hyacinthe-Rigaud de Perpignan réunit pour la première fois 80 oeuvres issues de collections privées et de prêts inédits sur le thème des années perpignanaises du peintre fauve.

Pendant cette période méconnue, de 1940 à 1950, "Dufy a découvert la lumière roussillonnaise et adapté sa palette pour arriver à quelque chose d'essentiel", explique à l'AFP Claire Muchir, la conservatrice du musée.

Dans ces années-là, Dufy, connu pour dissocier la couleur du dessin, met en scène sa propre activité de peintre dans ses ateliers perpignanais.

En 1940, Dufy, souffrant de polyarthrite, vient chercher à Perpignan un climat chaud et sec et bénéficier de soins dans les villes thermales à proximité. Il fuit également la guerre, en quittant la Côte d'Azur où l'Italie voisine vient d'entrer en conflit.

L'artiste se réfugie d'abord à Céret, près de Perpignan, où il se retrouve face à "une lumière si crue qu'elle monte les couleurs et les contrastes", souligne Claire Muchir. Il parlera plus tard de "révélation", peu avant sa mort en 1953.

A Ceret, Dufy fait la rencontre décisive de son médecin Pierre Nicolau, qui l'hospitalise dans sa clinique puis l'héberge dans sa demeure familiale à Perpignan. "La providence m'a toujours comblé mais jamais autant que quand elle m'a conduit vers vous", écrit Dufy à M. Nicolau, dans une des correspondances exposées.

Auprès des Nicolau, il croise d'autres artistes comme Jean Cocteau, Jean Marais ou Edith Piaf. Sur les bords de Méditerranée, il côtoie Derain et Matisse, d'autres fauves attirés par la lumière éblouissante.

A la manière de Cocteau, il orne ses courriers de dessins. Comme cette aquarelle "Soleil, coquillage et chevaux", sur laquelle le peintre avertit: "O Collioure, garde-toi des curieux, des baigneurs, des touristes, des artistes, afin de ne pas effaroucher tes Dieux marins et tes sardines".

- Courbes arabesques et miroir rococo -

Dans le salon des Nicolau, Dufy peint des aquarelles de fleurs, des portraits des quatre enfants, et dessine le violon du petit dernier, qui deviendra le thème de prédilection de nombre de ses toiles.

Comme dans ce "Nu de l'atelier de la rue Jeanne-d'Arc" où une femme semble s'abandonner au sommeil, au milieu des chevalets, la fenêtre grande ouverte sur une rue animée de Perpignan... et toujours ce violon ocre rouge accroché au rideau, ce compotier et cette omniprésente "Frileuse", statue de plâtre prêtée par les Nicolau.

Dans ses ateliers perpignanais, on retrouve aussi les courbes arabesques d'une console catalane, d'un miroir rococo, d'un corps nu alangui ou d'un drapé de rideau théâtral. Dans un jeu de perspectives cher à Dufy, où les meubles s'aplatissent, on s'évade par les grandes fenêtres pour mieux s'attarder sur le noir d'une vitre ou d'un carton à dessins, symbole de "la couleur qui aveugle, de la lumière au zénith", selon Claire Muchir.

L'exposition donne à voir également une série de brassées de fleurs, des tapisseries et céramiques de Dufy, des toiles de concerts ou d'instruments de musique, ses escapades dans les villes thermales ou encore ses interprétations des grands maîtres comme "la Naissance de Vénus" d'après Boticelli ou "le Bal du Moulin de la Galette", d'après Renoir.

"Le rendez-vous est historique", estime Jean-Marc Pujol, le maire de Perpignan. "Si une histoire d'amour lie Dufy à la ville portuaire du Havre, sa commune natale qu'il n'a jamais oubliée, on peut affirmer sans se tromper que c'est à Perpignan, dans la palette de couleurs entre Pyrénées et Méditerranée, que l'artiste prolifique a vécu ses plus belles inspirations".

Jusqu'au 4 novembre au musée d'art Hyacinthe-Rigaud à Perpignan.

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