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Le nouveau pari de Jean Bouquin, ex couturier de BB, au Théâtre Déjazet

Jean Bouquin fonctionne au coup de coeur: l'ancien couturier de Brigitte Bardot reconverti dans le théâtre depuis 40 ans au Déjazet à Paris a donné carte blanche à une figure du théâtre public, Jean-Louis Martinelli, qui crée "Nénesse".

Le visage jovial sous la couronne de cheveux blancs, Jean Bouquin trône derrière le comptoir d'accueil de son théâtre, un vestige du "boulevard du crime" à République, qu'il a restauré en 1977 pour y accueillir Coluche.

Depuis, le Déjazet a accueilli un peu de tout: du théâtre, de la chanson, des humoristes (dont Laurent Gerra à ses débuts), bref, une affiche éclectique assez éloignée du théâtre public.

"J'ai toujours voulu y faire des spectacles de vrai théâtre", assure l'ancien couturier, né en 1936 dans le quartier d'une mère blanchisseuse et d'un père photographe à la santé vacillante.

Aussi tombe-t-il sous le charme lorsque le comédien Jacques Weber et Jean-Louis Martinelli, ancien directeur du Théâtre des Amandiers de Nanterre, viennent le voir pour donner "L'Avare" en 2015.

Martinelli a quitté - contre son gré - les Amandiers en 2013 et cherche un théâtre parisien pour la pièce. Jean Bouquin se prend d'amitié pour "ce grand garçon qui allait devoir jouer les colporteurs pour vendre ses pièces aux théâtres". Il lui propose de programmer toute la saison 17/18.

Le Déjazet ouvre en septembre avec "Und", une pièce exigeante de Howard Barker avec Natalie Dessay créée à Tours, puis "Ceux qui restent" de David Lescot, témoignage poignant de deux enfants rescapés du ghetto de Varsovie et "Le malade imaginaire" de Michel Didym du théâtre national de Lorraine.

Le public est clairsemé, car on n'installe pas une image de théâtre en quelques mois.

- Pari risqué -

"Jean a pris un risque important de présenter ces spectacles là", reconnaît Jean-Louis Martinelli, qui espère beaucoup du début de l'année avec deux créations: "Nénesse", un texte de Aziz Chouaki qu'il met en scène, et "Un mois à la campagne" de Tourgueniev, mis en scène par Alain Françon.

Les habitués des grandes scènes nationales, Odéon, Comédie-Française ou La Colline, trouveront-ils le chemin du petit théâtre Déjazet, aux moulures pleines de charme et à l'accueil délicieux?

Le lieu a failli devenir un supermarché et Jean Bouquin l'a restauré sans un sou d'argent public, renouant avec le cadre désuet qu'avait choisi Marcel Carné pour tourner les scènes d'intérieur des "Enfants du paradis" en 1943.

En vrai passionné, Jean Bouquin a mis toute son énergie dans l'aventure. Il est gagné tout jeune par le virus du théâtre, quand son frère l'emmène voir les grandes pièces du TNP de Jean Vilar. "J'ai vu tous les Gérard Philipe", dit-il.

Le théâtre a fait son éducation, lui qui n'a que le certificat d'étude et "le brevet de 50 mètres nage libre pour m'en sortir dans la vie".

Devenu le couturier des stars à Sant-Tropez en 1964, il devient naturellement aussi costumier pour le cinéma et le théâtre: "Je n'ai pas eu grand mérite, parce que lorsque vous habillez un artiste, quand il font un film ou quand ils jouent, ils veulent que ce soit leur couturier, donc ils me demandaient. C'est ce qui s'est passé dans les douze films que j'ai fait avec Bardot, qui n'étaient pas tous très bons!", sourit-il.

Aujourd'hui encore, Jean Bouquin vous toise comme pour prendre vos mesures, parle avec la même gourmandise d'un beau tissu que de "Nénesse", qui démarre mardi.

"Une farce", selon Jean-Louis Martinelli, "avec des gens qui sont des laissés pour compte, des piétinés de l'existence."

"Nénesse est islamophobe, antisémite, homophobe, misogyne, il concentre tout! Et il exprime ses sentiments dans une forme de poésie qui peut nous amener à rire. Ce que je souhaiterais c'est que les gens rient à ce qu'il énonce et dans un deuxième temps qu'ils aient honte d'avoir ri".

Jean Bouquin, en tout cas, a "beaucoup ri" lors de la première lecture et attend avec impatience la première, mercredi.

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