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Les vérités ténébreuses de Dario Argento, maître italien de l'épouvante

La peur, il l'a découverte tout petit en voyant Hamlet avec ses parents. A 78 ans, le maître italien du cinéma d'épouvante, Dario Argento, en a fait le titre de son autobiographie intimiste dans laquelle il livre vérités et tourments.

"J'avais envie de donner ma version des choses et de tordre le cou, de façon sincère et sans rien occulter, aux stupidités qu'on a écrites sur moi", explique le réalisateur à l'AFP en marge d'une invitation à l'Institut Lumière de Lyon.

De ses "idées noires" durant le tournage de "Suspiria" - au cours duquel il a cru "devenir fou" - à son addiction au haschich - après avoir été initié par son confrère Bernardo Bertolucci -, Dario Argento n'élude aucun sujet ombrageux dans cet ouvrage qui éclaire d'anecdotes l'œuvre de cette figure du "Giallo", un cinéma à la frontière du thriller, de l'horreur et de l'érotisme.

Au fil des pages, il dévoile sa "fascination" pour la peur, apparue un après-midi dans un théâtre romain quand à quatre ans, il hurle de terreur, "bave à la bouche", face au fantôme du père d'Hamlet. "Ce jour-là sont nés de nombreux penchants. [...] Une graine avait été semée", écrit-il.

"J'ai commencé à développer une capacité à dialoguer avec la part obscure de ma personnalité. C'est de cette fascination pour la peur qu'ont émergé les histoires de cinéma que je sais raconter. Elle m'habite toujours", souligne le réalisateur.

- De Fritz Lang à Sergio Leone -

Enfant introverti, boulimique de lecture, Argento baigne dès son plus jeune âge dans le 7e Art grâce à ses parents, encore, qui reçoivent à leur table les cinéastes les plus célèbres du pays, dont Fellini. Adolescent, il quitte Rome, lassé des études, pour Paris, où il fréquente la Cinémathèque française et découvre "le vrai cinéma, celui de la Nouvelle vague".

Revenu en Italie, il s'initie avec succès à la critique de films dans deux journaux du pays, croise la route de Fritz Lang et John Huston "à l'occasion d'interviews mémorables", et s'essaye à l'écriture de scénarios.

Le déclic survient à 26 ans en rencontrant le roi du "western spaghetti": Sergio Leone, alors au sommet, lui propose de collaborer au scénario de son prochain film, "Il était une fois dans l'Ouest". "Il m'a appris qu'il est important de rester fidèle aux images que l'on a en tête, même les plus originales. Il gesticulait constamment pour représenter les mouvements de caméra", se souvient-il.

En 1970, son premier long métrage, "L'oiseau au plumage de cristal", est tourné en seulement six semaines. "Une expérience très intense qui a initié un parcours continu mais difficile", juge le cinéaste, dont la filmographie constituées de thrillers baroques, aux meurtres violents et sanguinolents très stylisés, reste longtemps incomprise.

- Psychanalyse -

Influencé tant par ses lectures des courants de la psychanalyse que par ses cauchemars, Argento s'affranchit en 1975 des codes du "Giallo" avec "Les frissons de l'angoisse", autre film majeur qui l'emmène aux portes du fantastique.

"Ma personnalité a commencé à changer. J'ai pris conscience, grâce à ces lectures, qu'il existait un monde bien plus intéressant: celui de l'inconscient. Tout ce qu'on a pu voir ensuite à l'écran en est en partie issue."

Deux ans plus tard, c'est "l'âme tourmentée", entre "désespoir profond et joie immense", qu'il boucle +Suspiria+, une histoire de sorcière qui hante une école de danse, chef-d'œuvre dont un remake signé du réalisateur italien Luca Guadagnino sort fin octobre.

Frappé par le "peu d'originalité, d'âme et de psychologie" des films actuels, Argento considère que le regard des spectateurs sur le cinéma de genre est devenu "moins rugueux" et que son travail ne serait aujourd'hui plus renvoyé "à la marge".

Et donne rendez-vous à ses fans sur grand écran "d'ici deux ans", le temps de faire aboutir ses projets.

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