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On vous sert de l'intelligence artificielle à toutes les sauces: mais qu'est-elle réellement? A quoi sert-elle? Va-t-elle changer le monde?

Nous avons rencontré plusieurs experts de Google dont l'intelligence artificielle est le métier. L'occasion de faire le point sur un concept dont on parle beaucoup, et souvent sans en comprendre le sens. Le responsable du développement de Google pour l'Europe dans ce domaine a répondu aux questions de RTL info.

L’intelligence artificielle (IA ou AI en anglais), c’est très tendance. De nombreuses entreprises utilisent cette notion pour vanter les mérites de leur dernier produit, quel que soit le secteur d’activité. Et souvent, elles le font à tort et à travers, galvaudant un concept qui est complexe dans sa définition.

On va tenter de tirer les choses au clair et de faire le point sur la situation, et ce grâce à des rencontres avec des responsables de Google à Amsterdam, où le géant américain du logiciel avait rassemblé ses plus grands experts dans le domaine. Précisons que Google fait partie des pionniers dans l’intelligence artificielle, et qu’il en est l’un des acteurs principaux grâce aux moyens humains, technologiques et financiers que la firme américaine y consacre. Dernièrement, le grand patron a même qualifié Google de AI company, une entreprise dont l’objet principal est l’intelligence artificielle.

1. C’est quoi, l’intelligence artificielle ?

L’intelligence artificielle n'a rien de nouveau ; elle existe depuis la calculatrice, pour faire simple, donc depuis qu’un appareil est capable de calculer à notre place. Le terme revient sur le devant de la scène depuis quelques années pour deux raisons.

La première, c'est que la croissance constante de la puissance de calcul des processeurs, associée à la miniaturisation des composants, a rendu un tas d'objets smart, donc intelligents. De la voiture au thermostat en passant par la montre et l'ampoule, ces objets connectés ont contribué à créer une tendance: la présence accrue d'intelligence artificielle dans notre vie de tous les jours.

La deuxième raison, c'est l'émergence d'un autre concept intimement lié à l’intelligence artificielle : le Machine Learning. C’est-à-dire la capacité pour une machine de résoudre des problèmes ou d'effectuer des tâches par elle-même, car elle 'comprend' ce qu'il se passe, ce qu'elle voit. C'est surtout une autre manière de développer les logiciels exploités par ces machines.

"Par exemple, si vous voulez qu'un smartphone, via sa caméra, sache s'il est devant un chat ou un chien, classiquement, pour y arriver, il faudrait lui donner une série d'instructions très précises, comme analyser chaque pixel, chaque partie de l'image, ce serait très lourd. Le Machine Learning, c'est une façon nouvelle de programmer (la caméra d'un smartphone), afin d'effectuer des tâches complexes qui intuitivement feraient appel à de l'intelligence humaine.

Le smartphone, ou l'ordinateur, va y arriver de façon automatique, car on lui a montré des exemples de la tâche à accomplir, plutôt que de programmer explicitement ces tâches. Pour revenir à l'exemple, on va montrer un grand nombre d'images à un ordinateur, et on va lui dire: 'Sur cette image, c'est un chat. Sur celle-là, un chien'. L'ordinateur, en apprenant de ces exemples, va parvenir à classifier les images dans les bonnes catégories, et donc à effectuer la tâche: différencier des animaux", nous a expliqué Olivier Bousquet, responsable du développement de l'intelligence artificielle pour Google en Europe.

Résumons: l'intelligence artificielle est la science qui permet de fabriquer des machines qui ont l'air intelligentes. Le Machine Learning, c'est un ensemble de techniques d'ingénieries qui permettent de développer des systèmes qui apprennent, à partir de modèles, à effectuer des tâches ; plutôt que des systèmes qui traditionnellement ont besoin de règles programmées précises. Ce Machine Learning se cache derrière les plus grandes avancées actuelles de l'intelligence artificielle.

2. A quoi sert-elle actuellement ?

Vu sa définition, vous l'avez compris, l'intelligence artificielle est partout autour de nous. De la simple traduction de texte à la voiture autonome, en passant par la reconnaissance d'objets ou d'images, elle existe actuellement sous des formes diverses et variées.

Prenons deux exemples intéressants. Rainforest Connection, tout d'abord, car on a rencontré Topher White, le fondateur de cette initiative luttant contre la déforestation, durant l'évènement organisé par Google. "Notre fondation installe des vieux téléphones ou smartphones en haut des arbres. Ils écoutent le bruit ambiant en permanence et lorsqu'ils détectent des tronçonneuses ou des camions, ils préviennent les rangers", qui peuvent alors intervenir, arrêter ceux qui abattent illégalement des arbres. Même dans les régions les plus isolées du Brésil, cet ingénieur est parvenu à installer des systèmes autonomes (avec panneaux solaires), qui pendant deux ans utilisent des vieux téléphones capables de streamer un flux audio dans le cloud. Sur ces serveurs, grâce aux outils d'intelligence artificielle de Google notamment, les sons sont analysés et catégorisés en temps réel et des notifications sont envoyées là où il faut pour prévenir en cas de tentative de déforestation sauvage.

Pour beaucoup, les plus grandes avancées de l'intelligence artificielle contribueront à solutionner des problèmes capitaux d'ordre environnemental et sanitaire. Au niveau de la santé, un des nombreux projets AI de Google a déjà bien avancé dans l'analyse de la rétine pour diagnostiquer une forme de diabète. "On a créé des modèles avec les docteurs, pour apprendre à des ordinateurs à bien analyser la rétine", nous a expliqué Katherine Chou, responsable du département santé de l'intelligence artificielle au sein de Google. "Car on s'est rendu compte que seulement 60% des diagnostics effectués par les médecins (à l'œil nu) étaient concordants". Les résultats générés par l'AI permettront d'améliorer et de stabiliser les diagnostics… "L'intelligence artificielle révèle ce que l'humain ne voit pas. Dans la rétine, on s'est rendu compte qu'on pouvait déceler l'âge, le genre, si la personne fumait ou avait des risques de maladies cardiovasculaires…"

Enfin, dans notre vie de tous les jours, même si chez nous la technologie est peu présente, il y a par exemple la reconnaissance vocale et les assistants vocaux, celui de Google qui arrivera bientôt officiellement en Belgique mais aussi celui d'Amazon (Alexa), entre autres. Ils répondent à certaines questions, effectuent certaines tâches à notre place (mettre une chanson ou un film, allumer une lampe connectée). On peut gagner du temps grâce à eux, c'est indéniable, mais ils ne changent pas (encore) nos vies.

Dans 5 à 10 ans, d'après Olivier Bousquet qui dirige les équipes européennes de Google dans le domaine, "l'intelligence artificielle va contribuer à résoudre certains des grands problèmes de notre époque: réchauffement climatique, approvisionnement en énergie, santé, préservation des espèces". D'après lui, "c'est là qu'il faut s'attendre à des impacts significatifs et visibles". L'impact sur notre vie quotidienne, "à travers la manière dont on interagit avec les machines, à travers l'évolution du transport (voiture autonome), sera sans doute secondaire au vu de l'importance des défis du 21e siècle".

3. L'intelligence artificielle vole-t-elle le travail de l'Homme ?

A côté d'un scénario à la Terminator dans lequel les robots deviennent autonomes et font la guerre à l'humanité, l'autre crainte liée à l'intelligence artificielle, plus probable celle-là, est qu'elle va voler le travail de l'Homme.

On ne sait pas de quoi demain sera fait, ni à quel point les avancées dans le domaine vont changer le monde. Mais le monde est déjà en train de changer, depuis l'invention de l'ordinateur qui a précipité la révolution numérique que nous connaissons.

Comme l'invention de la charrue tirée par des bœufs a permis à l'homme de consacrer moins de temps et d'énergie à labourer son champ, la révolution numérique, poussée désormais par les progrès en intelligence artificielle, va encore réduire le nombre de tâches pour lesquelles l'intervention de l'homme est nécessaire.

Si on voit le bon côté des choses, comme notre interlocuteur de chez Google, on dira que "actuellement, l'AI est un outil d'amélioration de la productivité, par exemple pour les médecins, ça leur permet de passer moins de temps à diagnostiquer, et plus de temps à chercher et appliquer des traitements".

Si on est un peu plus pessimiste, on imagine aisément que le nombre d'emplois dans les fonctions administratives, les transports ou la distribution (pour ne prendre que ces trois exemples) va encore chuter. Et qu'il est urgent de réformer le système éducationnel, d'orienter les formations, au risque de se retrouver avec des milliards de chômeurs dans 20 ans. Ou alors, c'est la société qui devra opérer des changements fondamentaux pour les occuper autrement…

On ne se pose pas la question, quand on investit dans le domaine de l'intelligence artificielle, de savoir combien ça va nous rapporter

4. Comment Google gagne-t-il de l'argent avec l'AI ?

Google est une entreprise privée. Et si elle connue pour offrir pas mal de services gratuits, on sait qu'elle se rétribue largement avec la publicité (au sens large) qu'elle insère dans ces services. Mais avec l'intelligence artificielle et le Machine Learning ? Google, via Google.org notamment (investissements dans des projets à but non lucratif), dépense des millions d'euros en soutien matériel, humain et financier…

"On ne se pose pas la question, quand on investit dans le domaine de l'intelligence artificielle, de savoir combien ça va nous rapporter", continue Olivier Bousquet. "On essaie de trouver une application, un service qui va avoir un impact sur le plus grand nombre. Si c'est le cas, il y aura peut-être moyen d'en tirer un certain bénéfice. Mais ce n'est pas le but premier".

Ceci dit, l'AI, depuis longtemps, "contribue largement à l'amélioration de nos produits existants" (recherche, Gmail, Maps, Android, etc…), qui eux, notamment via la publicité ciblée ("qui elle aussi bénéficie de nos recherches en AI depuis longtemps"), rapportent de l'argent à Google.

Enfin, précisons que Google met à disposition des entreprises "des solutions d'intelligence artificielle, via Google Cloud, afin qu'elles résolvent leurs propres problèmes, qu'elles effectuent leurs propres tâches". Bien logiquement, "l'utilisation de ce Google Cloud est facturée".

Et en Belgique ?

Fanny Dehaye a rencontré des experts belges dans le domaine. Notre pays n'est pas à la traîne, mais il pourrait mieux faire. Des investissements sont cependant nécessaires, sans surprise, pour ne pas laisser l'intelligence artificielle aux mains des Américains ou des Chinois :

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