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Coronavirus en Belgique - Le Dr Devos dresse un bilan alarmant de la situation dans les hôpitaux: "Il va manquer de tout"

Le coronavirus en Belgique est un défi majeur pour le personnel soignant. Docteur Philippe Devos, président de l'Absym, tire le bilan de la maladie et des capacités d'accueil dans les hôpitaux belges.

Le Docteur Philippe Devos, président de l'Absym, l'Association belge des syndicats médicaux, répondait aux questions de notre journaliste Alix Battard pour le RTLINFO 13H.

Quelle est la situation pour l'instant pour le personnel soignant ?

On désespère de trouver des masques. Je crois que tout le monde a essayé de différentes manières et personne n'y est arrivé. On n'a plus qu'un espoir, c'est cette fourniture de masques à nouveau annoncée par l'Etat pour aujourd'hui ou demain. Mais je pense que ce sera la troisième fois qu'on nous annonce le masque pour aujourd'hui ou demain et qu'ils n'arrivent pas. Ce qui nous inquiète, encore au-delà, c'est qu'on se dit que si l'Etat n'arrive pas à fournir des masques, on n'a aucune raison de croire qu'ils pourront nous fournir le reste du matériel nécessaire au fonctionnement de l'hôpital qui va probablement être en pénurie, vu que la pandémie est mondiale.

C'est un premier test pour voir si on va savoir tenir. Mais si on n'a plus le matériel qui nous permet de faire fonctionner un respirateur, de maintenir les gens endormis, de leur donner des médicaments, alors nous ne servons plus à rien. On ne soigne pas juste avec la main.

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Au-delà des masques, quel est le matériel dont vous avez spécifiquement besoin aujourd'hui ?

Les médicaments pour garder les patients endormis pour qu'ils puissent supporter le respirateur. Ça, on a, selon les hôpitaux, un stock. Mais personne ne tiendra un mois. On a des antibiotiques éventuels. Ça aussi, ça pourrait manquer. Il y a déjà des antibiotiques qui ne sont plus disponibles en Belgique aujourd'hui.

On a tout le matériel autour des respirateurs, tuyaux de respirateur, etc. Ça aussi, on ne peut pas tenir longtemps. On a parlé du fameux traitement ECMO, une circulation extracorporelle pour les cas les plus lourds. Il reste en tout et pour tout de quoi soigner 10 patients maximum par province avec cette technique.

Donc en fait, il va manquer de tout dans les prochains jours.

Vous semblez assez alarmant et vous avez d'ailleurs mis en garde par écrit les médecins. Ils doivent se préparer à faire des sacrifices ?

C'est des sacrifices morales ou physiques, ou c'est du temps en moins. Je pense que tous les Belges sont en train de faire des sacrifices aujourd'hui. Il ne faut pas se voiler la face, c'est dur pour tout le monde. La seule chose, c'est que tout le monde se confine. Et certains ont volé des masques dans les hôpitaux ces derniers jours parce qu'ils ont peur chez eux. Et à cause de ces vols, nous, on va devoir travailler à mains nues, au milieu de patients qui, eux, sont clairement les plus infectés.

On sera bientôt obligés de devoir aller travailler dans des conditions qui n'ont jamais existé en Belgique.

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Je sais qu'un jour ou l'autre, je vais contracter le coronavirus

Beaucoup de médecins sont déjà contaminés ?

Oui, il y a déjà pas mal de médecins contaminés. Ça, on le suit de près puisque les professionnels de la santé qui sont fébriles sont dépistés. Ceux qui ont juste une toux et qui probablement font la maladie, mais qui ne font pas de fièvre, ne sont pas dépistés. Donc, dans les médecins aussi, il y a une partie du personnel qui est contraint d'aller travailler, probablement malade, mais qui ne peut pas être dépistée.

On s'attend tous, dans tous les hôpitaux, à être touchés, à être contaminés. Moi, j'ai fait mon deuil de ne pas être atteint la semaine dernière en voyant comment ça a évolué. Je sais qu'un jour ou l'autre, je vais contracter le coronavirus.

C'est une certitude aussi pour vous, dans le milieu hospitalier, à un moment, il faudra faire des choix, choisir qui soigner ?

C'est ce qu'on a voulu éviter. Les chiffres d'aujourd'hui ne me rassurent pas du tout. On n'est pas du tout dans une courbe qui nous permettrait d'éviter ça. Donc, je crains qu'on doive faire des choix. Maintenant, grâce au confinement et au respect de règles de chacun, j'espère qu'on aura à faire le moins de choix possible. Mais je crois malheureusement... qu'on déborde nos soins intensifs, c'est une certitude. Est-ce qu'on va aller jusqu'au maximal ? Les chiffres d'aujourd'hui m'inquiètent quand même énormément parce que j'espérais une baisse du nombre d'hospitalisations et ce qu'on voit, c'est que depuis le début de la semaine, tous les deux jours, le nombre de cas hospitalisés double tous les jours.

Selon le virologue Marc Van Ranst: "La situation n'est pas mauvaise en ce moment dans les hôpitaux"

En parallèle de notre interview du docteur Devos, le virologue Marc Van Ranst était l'invité du journal de la chaîne flamande VTM. Il dresse un portrait différent de la situation.

La situation dans les hôpitaux n'est pas mauvaise en ce moment, a déclaré le virologue Marc Van Ranst jeudi après-midi au micro de VTM NEWS. "L'ennemi est à l'horizon, les patients arrivent avec parcimonie. Dans certains hôpitaux, il y a déjà plus de patients que dans d'autres".

Dans les hôpitaux, il y a "une énorme attente, tout le monde se tient prêt", explique le virologue. M. Van Ranst a souligné qu'il est important que les patients souffrant d'autres affections telles qu'une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral soient tout aussi bien pris en charge. M. Van Ranst s'est dressé contre l'appel lancé par certaines personnes en faveur d'un plus grand nombre d'accouchements à domicile. "Il est beaucoup plus facile de rendre l'accouchement plus 'familial' à l'hôpital, que de rendre l'accouchement à domicile sûr". M. Van Ranst dit se rendre compte que le secteur du voyage et du tourisme est très durement touché par les mesures de confinement. Il estime cependant que ce n'est pas une bonne idée de garder des plans de voyage en mai et juin prochains. "Par exemple, les chances de pouvoir se rendre en Espagne fin mai ou début juin sont très faibles", conclut-il.

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