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Dans un sous-sol de Nantes, des ingénieurs donnent naissance à un respirateur à bas coût

Un mannequin en plastique, tuyau inséré dans la bouche, trône dans le sous-sol d'un immeuble nantais au milieu des perceuses, matelas et autres tableaux noircis de calculs: c'est ici qu'a vu le jour "MakAir", un respirateur à bas coût conceptualisé en un temps record.

"En faisant quelques statistiques, on s'est rendu compte qu'il y allait y avoir de la tension sur un certain nombre de choses dans cette épidémie, et parmi ces choses-là: le respirateur", explique Quentin Adam en se remémorant le début du projet mi-mars.

"Il y a des choses sur lesquelles on n'avait aucune idée de comment aider", poursuit-t-il, mais "on s'est dit +ça doit être atteignable de construire un respirateur+".

En quelques coups de fil, il fédère des entrepreneurs et experts médicaux désireux de rendre plus accessible cet appareil clé pour sauver les patients les plus gravement atteints par le Covid-19.

Dans les locaux de la start-up nantaise Crisp, ils sont alors une poignée à bricoler une petite boîte en carton sur laquelle ils branchent des fils multicolores et quelques boutons.

Le système fonctionne et ils passent à la vitesse supérieure. Le collectif "Makers for Life", qui compte aujourd'hui quelque 250 bénévoles, s'installe alors dans le "Palace", une ancienne banque devenue un campus de start-up, où ils investissent ce qui fut la salle des coffres.

"Tout le monde ici réagit comme un casernement scientifique, en fait on est là pour se battre et gagner", assure Quentin Adam en présentant ce lieu où les boîtes à outils se mêlent aux écrans d'ordinateur, sur fond de musique électro et lumière artificielle donnant l'impression qu'il est "toujours 15H00".

En seulement trois semaines, la boîte en carton devient un prototype qui ressemble à une grosse unité centrale d'ordinateur.

A l'intérieur de cet appareil d'une vingtaine de kilos, on trouve des batteries de mobylette ou encore des pièces de drones, car en tant de crise, les ingénieurs ont privilégié des matériaux disponibles et nouveaux, pour ne pas pénaliser les fabricants de respirateurs traditionnels.

"Si on a une solution sous-optimale qui fonctionne, on prend", résume Quentin Adam, tout en insistant sur la rigueur du processus de validation qui est en cours auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

- Chaussons offerts -

Pour obtenir le respirateur, déjà été testé avec succès sur un cochon, plusieurs innovations ont été essentielles.

L'impression 3D d'abord, car elle a permis d'accélérer le prototypage, et le recours au logiciel libre, grâce auquel des spécialistes du monde entier ont pu apporter leur pierre à l'édifice.

MakAir "repose d'abord sur le logiciel avant de reposer sur de la mécanique de précision", explique Pierre-Antoine Gourraud, enseignant-chercheur à la faculté de médecine de Nantes.

En situation de crise, "produire de la mécanique de précision c'est beaucoup plus compliqué que de contrôler, et éventuellement de compenser les imprécisions de la construction par du logiciel", justifie-t-il.

Avec sa chemise et ses chaussures bateaux, le style du professeur tranche avec celui de Quentin Adam, qui porte une barbe épaisse et des dockers dorées. Pourtant leur communication est "quasi télépathique", estime M. Gourraud.

A l'image de ce duo, les membres du collectif vivent depuis quelques semaines une aventure humaine unique et les anecdotes ne manquent pas sur leur confinement hors norme, qui a notamment vu une partie de l'équipe traverser la France en bus de nuit pour aller passer plusieurs jours au CEA de Grenoble.

Le centre d'études nucléaires, qui a mis son équipement de pointe à leur disposition, a par exemple offerts des chaussons à l'équipe qui s'affaire jour et nuit.

A toutes les phases du projet, dont les étapes suivantes devraient être les premiers essais sur l'homme avant la fabrication par le groupe français Seb, des marques de solidarités ont afflué.

Les porteurs du projet saluent les dons ou prêts de matériel, la mise à disposition d'ingénieurs par des entreprises ou encore la participation de collectivités, qui doit permettre au final de garantir un coût de production entre 1.000 et 1.500 euros, alors que les respirateurs actuels peuvent être facturés entre 10.000 et 40.000 euros.

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