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En Lombardie, le combat des "blouses blanches" cubaines contre l'épidémie

Rien, ni la fraîcheur des températures ni la barrière de la langue ne le détourneront de sa mission: Roberto Arias Hernandez, jeune médecin cubain, fait partie de "l'armée des blouses blanches" envoyées depuis La Havane pour aider à la lutte contre l'épidémie de coronavirus dans le nord de l'Italie.

"Nous sommes simplement des médecins, et aujourd'hui nous jouons juste notre rôle pour combattre la pandémie", sourit modestement Roberto, interne de 28 ans, déployé à l'hôpital de Crema, au coeur de la Lombardie (nord), épicentre de la maladie dans la péninsule italienne.

Pour le jeune praticien, c'est la première mission à l'étranger, aux côtés d'un contingent d'une cinquantaine de compatriotes: 36 médecins, 15 infirmiers et un administrateur.

Plusieurs d'entre eux ont déjà pris part à la lutte contre une autre épidémie meurtrière, en Afrique de l'Ouest cette fois, la fièvre Ebola.

- Comme un cosmonaute -

Pour Cuba, la stratégie est connue depuis la fin de la guerre froide, dans un pays qui a fait de la santé et de l'éducation les piliers de sa "révolution socialiste", et de ses médecins l'un de ses principaux atouts sur la scène géopolitique internationale.

Depuis le début de l'épidémie de Covid-19 fin 2019 dans le centre de la Chine, l'île a ainsi envoyé 593 professionnels de santé dans 14 pays, dont l'Italie, tous membres d'une "brigade humanitaire".

La mission de Roberto, elle, a débuté le 22 mars, sous une pluie battante, "par un froid épouvantable", dans une ville de Crema cloîtrée et endeuillée par une avalanche de décès, touchée de plein fouet par le virus.

"On ressent toujours de la peur, car on est venu combattre dans l'épicentre mondial de la maladie", confie le jeune homme brun à la barbe naissante.

"Tu as envie de monter au front, et en même temps tu crains de ne pas être à la hauteur. Mais dès que nous avons commencé à travailler, nous nous en sommes bien sortis", notamment dans la coopération avec les homologues européens, assure-t-il.

"Les médecins italiens ont une personnalité proche de celle des Cubains. Ils sont chaleureux, très souriants, ils nous remercient d'être ici. Il y a aussi ceux qui font des blagues...".

"Et d'un point de vue technique, strictement médical, l'entente est parfaite", assure le médecin, qui n'a pris aucun jour de repos depuis son arrivée.

Les journées commencent systématiquement par une visite aux patients, accompagné d'un médecin italien et d'une infirmière. Toujours vêtus de la tête au pied, comme un cosmonaute, d'une combinaison de protection sanitaire complète.

"C'est le matin que tu ressens un peu la fatigue", reconnait-il. "Mais les neurones se remettent vite en place, tu te souviens pourquoi tu es ici, et tu te replonges dans le bain".

- "Plein de fierté" -

Ce père d'un bébé de 11 mois se dit rempli de joie et "plein de fierté".

"L'accueil du peuple italien a été très chaleureux. Des gens ont accroché à leur fenêtre des banderoles +merci Cuba, merci Cuba+", se félicite-t-il.

"Nous resterons ici aussi longtemps que nécessaire. Et nous retournerons au pays avec le sentiment du devoir accompli", commente Carlos Pérez Díaz, chef du contingent cubain, installé au siège du diocèse de Crema.

L'envoi de médecins cubains à l'étranger a duré des années 1960 jusqu'en 2000 quand l'île, fragilisée par la crise économique due à l'effondrement du grand frère soviétique, a commencé à le facturer aux pays les plus aisés.

C'est désormais l'une des principales sources de revenus de Cuba (6,3 milliards de dollars en 2018), avec actuellement près de 29.000 coopérants médicaux présents à l'année dans 59 pays.

C'est aussi devenu la cible de Washington, qui a renforcé son embargo - en vigueur depuis 1962 - depuis l'arrivée de Donald Trump. L'administration américaine accuse La Havane d'"exploiter une main d'oeuvre esclave", tout en se servant de ces docteurs comme des militants politiques ou de potentiels espions dans leur pays d'affectation.

"Les médecins cubains ne sont jamais venus pour des raisons financières", s'offusque Roberto. "Nous venons aider sans rien demander en retour. Mais si cela se traduit par une aide en nature ou financière (à Cuba) en retour, c'est évidemment apprécié", concède-t-il.

"Beaucoup d'entre nous ne sommes pas croyants, mais avoir l'opportunité de rencontrer le pape François serait géniale", avoue par ailleurs Roberto, alors que le souverain pontife a couvert d'éloges ces médecins cubains, "héros" venus au secours des Italiens depuis leur île caribéenne.

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