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Grand débat: dans un Ehpad près de Paris, les seniors ne veulent pas être des "petits vieux"

Niveaux des pensions, coût des établissements, mais aussi difficultés d'accès à internet ou économies d'énergie: dans une maison de retraite du Val-de-Marne, une cinquantaine de personnes âgées ont mené cette semaine leur propre "grand débat", revendiquant leur droit à la "citoyenneté".

"Nous ne sommes pas des +petits vieux+", ont plaidé les participants à cette rencontre, organisée à la résidence publique L'Abbaye de Saint-Maur.

Co-organisé par le "Cercle vulnérabilité et société" et l'association de directeurs de maisons de retraite et de services à domicile AD-PA, ce débat s'appuyait sur les travaux menés tout au long de l'année dans le cadre du projet "Citoyennage", qui vise justement à donner la parole aux seniors.

"Nous ne voulons pas être déresponsabilisés, surprotégés ou infantilisés", ont résumé les participants dans un texte lu en introduction du débat.

Souvent fragilisés physiquement - nombre d'entre eux se déplacent avec des béquilles ou en fauteuil roulant -, les seniors présents, qui ne résident pas tous en maison de retraite, ont longuement évoqué les questions liées au vieillissement, avec une inquiétude particulière concernant le coût de la prise en charge de la perte d'autonomie.

"J'ai 95 ans et je vis chez mon fils, qui m'a aménagé une petite pièce pour moi, parce que je n'aurais pas les moyens de me payer une maison de retraite", témoigne ainsi Thérèse.

"Le problème c'est le montant des retraites. Comment vivre avec 1.000 euros par mois, vu le coût de la vie?", s'inquiète Philippe, 73 ans.

"Le jour où il nous arrive une catastrophe et qu'on doit aller en maison de retraite, que fera l'Etat pour nous aider ? Rien !", ajoute le septuagénaire qui, après une opération à la hanche, réside dans un "foyer-logement", formule intermédiaire entre le maintien à domicile et l'Ehpad. "Il faudrait moduler le prix du séjour en fonction des revenus", suggère-t-il.

- "Rester connectés" -

Parmi les seniors participants, le coût trop élevé du séjour en établissements semble faire consensus, ainsi que le manque criant de personnel et son insuffisante formation.

Des considérations qui amènent le groupe à réfléchir à la notion de "service public", et par ricochet à la manière de faire face à la numérisation des démarches administratives.

"L'informatique et l'internet, c'est bien souvent du chinois!" s'exclame un vieil homme, qui déplore qu'avec les services en ligne, les personnes âgées soient "mises à l'écart des administrations publiques".

"Les ordinateurs, qu'on le veuille ou non, ça devient incontournable, il faut qu'on nous apprenne", plaide une dame.

"Moi, j'ai compris que je ne pourrai jamais m'y mettre. A 90 ans je crois que j'ai encore ma tête, mais c'est impossible pour moi", déplore une autre.

Les personnes très âgées ont de telles difficultés à manipuler l'outil informatique - "même cliquer sur la souris, c'est très très compliqué" -, qu'elles doivent absolument être accompagnées dans cette démarche, confirme Gilles Gauthier, qui anime depuis huit ans des ateliers informatiques en maison de retraite.

En fin de rencontre, ce sont les questions écologiques qui mobilisent les participants.

"Dans les maisons de retraite, il y a des économies d'énergie à faire: la lumière reste toujours allumée dans la salle de bains!", s'exclame une vieille dame. Une autre réclame la mise en place d'un tri sélectif des déchets dans son établissement.

Et un homme élargit le débat en réclamant l'interdiction en France de l'herbicide glyphosate, qui "tue la planète".

"Rester connecté" au monde, "être accompagné pour des sorties culturelles ou de loisirs", "continuer à décider pour soi-même": les seniors disent ne pas vouloir être "surprotégés", car "vivre c'est aussi prendre des risques".

"Dans ma maison de retraite, j'ai demandé à faire de la menuiserie pour passer le temps", raconte un homme, très voûté. "On m'a dit +non, trop dangereux!+ Alors j'écris des poèmes".

Et de déclamer un texte de sa composition, où il est question de "pensionnaires fatigués et malades / Qui ont perdu la tête, ne font plus de balades".

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