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L'élevage de pigeons voyageurs, loisir populaire qui s'étiole

Activité prisée des travailleurs des cités minières et industrielles, la colombophilie, ou l'art de dresser des pigeons voyageurs, s'étiole peu à peu en France au grand dam de milliers d'amateurs du Nord, bastion de la discipline, qui continuent à s'adonner à ce loisir populaire.

"Mes pigeons, je les élève comme des athlètes", lance Maxime Renaud, 26 ans, caressant l'un de ses 300 volatiles dans l'un des colombiers du jardin familial à Erre, près de Valenciennes.

Longues de quelques dizaines à plusieurs centaines de kilomètres, les règles des courses, qui se déroulent d'avril à septembre, sont demeurées identiques: les pigeons sont lâchés d'un même endroit et doivent regagner leur pigeonnier le plus rapidement possible.

Ainsi, pour optimiser leur chance, leurs conditions de vie doivent être "optimales", leur régime alimentaire "adapté" et leur entraînement "quotidien", liste le jeune colombophile, qui pratique cette discipline depuis ses dix ans, héritant de la passion de son père.

Titulaire d'un BTS chimie, M. Renaud élève une centaine de pigeonneaux par an, mais ne garde "que les meilleurs". "Si au bout de quatre il m’en reste cinq, c’est déjà bien."

Il participe à une course toutes les semaines, misant quelques euros sur ses pigeons. "Mais on ne gagne pas grand chose", précise le jeune homme, dont l'un des pigeons est arrivé premier sur 15.000 lors de la course de Châteauroux en 2016.

Pour avoir de tels résultats, il consacre quatre heures par jour "minimum" à ses pigeons. Une activité "chronophage" qui explique selon lui la baisse d’adhérents: "Si on veut des résultats, faut toujours être là."

La "carrière" de sportif de ses pigeons, qui peuvent voler jusqu'à 120 km/h, dure environ huit ans et commence dès leurs premiers mois: "Tôt, ils sortent de leur pigeonnier, repèrent les lieux autour de leur habitat puis sont lâchés de plus en plus loin", explique Jean-Jacques Dupuis, président de la fédération colombophile.

- 10.500 colombophiles en France -

La France compte 10.500 colombophiles, dont 50% dans le Nord et le Pas-de-Calais, détaille Marcel Leroy, responsable de la communication auprès de la fédération qui perd depuis une vingtaine d'années 2% d’adhérents par an.

Née en Belgique, cette discipline s'est développée dans les cités minières et industrielles du nord de la France au début du XXe siècle. "Les Belges y sont venus travailler avec femmes, enfants... et pigeons voyageurs, et ont transmis le virus aux travailleurs de la région", sourit M. Dupuis.

Cette activité était pour les mineurs "un moyen d'évasion" après avoir passé "de longues journées dans le noir", ils "avaient les yeux rivés sur le ciel", ajoute-t-il, précisant qu'aujourd'hui elle est pratiquée par "toutes les couches sociales".

A l'image de Bruno Bailleul, ancien douanier de 65 ans, qui élève 90 pigeons dans le petit jardin de sa maison de lotissement à Wervicq-Sud, à la frontière belge.

Le retraité a commencé à élever des pigeons à 16 ans, poussé par une curiosité qui ne l'a pas encore quittée : "Comment des pigeons lâchés à des centaines de kilomètres de leur domicile font-ils pour revenir aussi vite ?".

"C'est encore un mystère, il y a plusieurs hypothèses, ils se repéraient grâce au champ magnétique terrestre, au soleil, mais aussi à la vue et à l'odorat...", avance Jean-Jacques Dupuis.

En tout cas, "ce sens de l'orientation, est inné chez le pigeon, le colombophile va juste l'affiner en les entraînant pour qu'ils reviennent le plus vite possible", assure Marcel Leroy, ancien instructeur.

Même si "il n'y a pas de science exacte", soupire Maxime Renaud. "Parfois j'élève des pigeons pendant plusieurs années puis ils restent mauvais, je ne sais pas pourquoi."

Au programme d'entraînement de ses coureurs cet été : la course de Barcelone, l'une des plus prestigieuses de la colombophile, à laquelle il espère participer d'ici "deux ou trois ans". "Mais pour ça, il faut des pigeons taillés comme des marathoniens, qui volent lentement et qui ne s’usent pas vite", explique-t-il, scrutant ses futurs champions.

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